Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI)

Contrôler les symptômes pour retrouver une qualité de vie satisfaisante

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, maladie de Crohn (MC) et rectocolite hémorragique (RCH), se caractérisent par l’inflammation de la paroi d’une partie du tube digestif, due à une dérégulation du système immunitaire. S’il n’existe pas de traitement pour guérir ces maladies, les médicaments actuels permettent la plupart du temps leur contrôle durable et une qualité de vie satisfaisante en dehors des poussées. En outre, plusieurs voies de recherche sont explorées pour améliorer encore la prise en charge des patients.

Dossier mis à jour en collaboration avec Eric Ogier-Denis, Centre de recherche sur l’inflammation (unité 1149 Inserm/Université Paris Diderot), équipe Inflammation intestinale, Paris.

MICI, chronique d’une maladie intestinale – Webconférence du 30.06.21

Comprendre les MICI

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (ou MICI) regroupent la maladie de Crohn (MC) et la rectocolite hémorragique (RCH). Toutes deux se caractérisent par une inflammation de la paroi d’une partie du tube digestif, due à une dérégulation du système immunitaire intestinal. Cette inflammation incontrôlée est responsable de lésions tissulaires et de la chronicité de la maladie. Son origine semble résulter de la combinaison complexe de facteurs environnementaux, associés à une susceptibilité génétique du patient et à la réactivité particulière de son système immunitaire. 

Les MICI évoluent par poussées inflammatoires, de durée et de fréquence extrêmement variables selon les patients, qui alternent avec des phases de rémission. Elles se distinguent par la localisation et la nature de l’inflammation dans le tube digestif, les complications, les facteurs de risque, les symptômes, ou encore les réponses aux traitements. 

  • Dans la maladie de Crohn, l’inflammation peut toucher tous les segments du tube digestif (de la bouche à l’anus), mais se localise le plus souvent au niveau de l’intestin et touche fréquemment l’iléon terminal, avec ou sans atteinte colique.
  • Dans la rectocolite hémorragique, l’inflammation affecte toujours la partie basse du rectum et remonte plus ou moins dans le côlon. L’intestin n’est jamais touché.

Une maladie qui survient préférentiellement chez le jeune adulte 

15% des cas concernent des enfants

Les MICI sont le plus souvent diagnostiquées entre 20 et 30 ans. Toutefois, elles peuvent survenir à tout âge et 15% des cas concernent des enfants. 

Leur fréquence varie considérablement d’un pays à l’autre, les incidences les plus importantes étant retrouvées dans les pays industrialisés, notamment en Europe du Nord-Ouest et aux Etats-Unis. De manière générale, l’incidence augmente avec le niveau de développement socio-économique des pays, de sorte qu’elle croit fortement en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique du sud ou encore en Inde. 


Plus de 200 000 personnes concernées en France

En 2015, la France comptait 212 700 personnes prises en charge pour une MICI (60% de MC et 40% de RH), dont 55% étaient des femmes. D’après le registre Epimad qui suit l’incidence de ces maladies dans plusieurs départements du Nord, l’incidence de la maladie de Crohn a augmenté de 5,3 à 7,6 cas pour 100 000 habitants entre 1988 et 2014, alors que celle de la rectocolite hémorragique est restée stable, à 4,4 cas pour 100 000 habitants. Sur cette même période, la maladie a touché des sujets de plus en plus jeunes, avec une augmentation importante de l’incidence chez les adolescents (+ 126% pour la MC et +156% la RCH). 


Douleurs abdominales et diarrhées, deux symptômes typiques

Lors des poussées inflammatoires, les MICI se caractérisent le plus souvent par : 

  • des douleurs abdominales
  • des diarrhées fréquentes, parfois sanglantes
  • ou encore une atteinte de la région anale (fissure, abcès)

Ces symptômes font peser sur la maladie un certain tabou. 

Les patients présentent une fatigue et parfois de la fièvre. L’état inflammatoire et la malabsorption intestinale des aliments peuvent en outre être responsables d’une anémie, de la présence de graisse dans les selles, de carences vitaminiques et d’une fuite des protéines pouvant aboutir à un état de dénutrition avec amaigrissement et œdèmes.

Dans 20% des cas, les patients présentent des manifestations extradigestives de leur maladie : arthrites (inflammation des articulations), psoriasis (inflammation cutanée) ou encore uvéites (inflammation oculaire)... Ces manifestations sont plus fréquentes en cas d’atteinte du côlon. 

Chez environ 15% des patients, les crises sont sévères : leur intensité peut imposer l’hospitalisation, l’arrêt de l’alimentation et un traitement par perfusion pendant quelques jours. 


Des complications et un risque accru de cancer

Dans la maladie de Crohn, les cycles récurrents d’inflammation peuvent entrainer l’apparition d’une sténose digestive, c’est-à-dire un rétrécissement de l’intestin qui peut aboutir à son occlusion. Un traitement médical permet le plus souvent de remédier à cette complication, mais une chirurgie est parfois nécessaire. 

Les cycles inflammatoires peuvent également conduire à la formation d’une fistule : un abcès qui finit par s’ouvrir, reliant le segment intestinal malade à un autre segment digestif ou à un organe du voisinage (vessie, organes génitaux chez la femme ou peau). Des cas de perforation intestinale sont possibles mais rares. Ils constituent une urgence chirurgicale en raison des risques liés à la péritonite aiguë. 

Les MICI sont en outre associées à un risque accru de cancer colorectal, notamment lorsque des lésions sont présentes au niveau du côlon et étendues. Par rapport à la population générale, ce risque est multiplié par 2 à 2,5 après 10 ans d’évolution de la maladie et jusqu’à 5 après 30 ans d’évolution. Ce surrisque dépend de la sévérité de l’inflammation, du temps d’inflammation cumulé par le passé, et il augmente avec l’âge. Pour le surveiller, un examen permettant de dépister l’apparition de lésions précancéreuses ou cancéreuses est régulièrement proposé aux patients. Il s’agit d’une « chromocoloscopie » au cours de laquelle 40 prélèvements biopsiques, étagés tout au long du côlon, sont réalisés. 


Plusieurs critères pour un diagnostic

Le diagnostic des MICI repose sur plusieurs critères cliniques, biologiques et d’imagerie médicale. 

Lorsque des symptômes cliniques évoquent une MICI, un bilan biologique est réalisé en premier lieu. Il permet de détecter un syndrome inflammatoire grâce au dosage sanguin de la protéine CRP et de rechercher la présence de calprotectine dans les selles. En effet, cette dernière se retrouve dans les selles uniquement en cas d’inflammation sévère de l’intestin (celle-ci entraînant une destruction de l’épithélium intestinal qui permet le passage de la molécule à travers la paroi intestinale). Si l’augmentation du taux de calprotectine n’est pas spécifique aux MICI, elle permet de discriminer une MICI d’un trouble fonctionnel intestinal. Cet indicateur sert également au suivi de la maladie et à l’évaluation de l’efficacité du traitement mis en place. 

L’examen de référence pour le diagnostic est néanmoins l’endoscopie digestive. Elle permet de rechercher la présence et la localisation de lésions du tube digestif, ainsi que de réaliser des prélèvements. Cet examen consiste à introduire une sonde équipée d’une caméra dans le système digestif du patient. Si nécessaire, une entéro-IRM (ou IRM abdominale) peut compléter l’examen pour étudier plus finement l’intestin grêle. L’utilisation de vidéocapsule, une gélule à avaler munie d’une mini-caméra, permet également d’observer l’intestin grêle inaccessible à l’endoscope.

Dans la rectocolite hémorragique, l’inflammation touche exclusivement le rectum et le côlon. On observe une atteinte continue avec une muqueuse rouge, fragile, saignant facilement, avec des micro-ulcérations et du pus. 

Dans la maladie de Crohn, l’atteinte est discontinue : des segments de muqueuse touchée alternent la muqueuse saine. L’examen peut également révéler des rétrécissements de la lumière intestinale (sténose) ou une fistule, notamment de la région ano-périnéale. L’ensemble du tube digestif peut être concerné. 

Des facteurs d’environnement sur un terrain génétique

Plusieurs facteurs de risque de MICI sont suspectés, notamment des facteurs génétiques, comportementaux et environnementaux. 

Il existe une susceptibilité génétique aux MICI et le risque d’en développer une augmente de 6 à 10% en cas d’antécédents familiaux. L’analyse du génome de patients atteints a permis l’identification de plus de 170 gènes de prédisposition à ces maladies. Certains sont communs aux deux pathologies et d’autres spécifiques à l’une d’elles. A des rares exceptions près, leur impact sur la survenue d’une MICI est toutefois modéré. Néanmoins, la présence d’un polymorphisme particulier affectant le gène NOD2/CARD15 multiplierait par 40 le risque de développer la maladie de Crohn, certainement en présence d’autres facteurs déclenchants qui restent à découvrir. Ce gène code pour un récepteur cellulaire à un agent bactérien. 

Le microbiote intestinal, c’est-à-dire l’ensemble des microorganismes présents dans le système intestinal, joue aussi un rôle important dans la survenue des MICI. Sa composition, sa diversité et sa fonctionnalité dépendent eux-même de facteurs génétiques, environnementaux et alimentaires. Un déséquilibre de ce microbiote (ou dysbiose) est retrouvé chez les malades : il pourrait favoriser l’initiation, le maintien ou la sévérité de l’inflammation. Chez environ 5% des patients atteints de la maladie de Crohn, on trouve par exemple une famille d’Escherichia Coli (AIEC), plus adhérente aux cellules de la paroi intestinale et plus invasives que les souches habituelles, qui facilitent une réaction inflammatoire locale. Les causes potentielles de cette dysbiose pourraient être d’origine alimentaire (régime gras et sucré, sans fibre, qui limite les bactéries productrices d’acides gras à courtes chaines bénéfiques), infectieuse (épisodes aigus de gastroentérite infectieuse), ou environnementale (traitements antibiotiques répétés, exposition insuffisante aux pathogènes pendant l’enfance).

Le tabac a des effets opposés dans la maladie de Crohn et dans la rectocolite hémorragique. Le risque de développer une rectocolite hémorragique est 2,5 fois moins élevé chez les fumeurs et la maladie est souvent moins sévère chez ces derniers. La nicotine a été initialement considérée comme le facteur bénéfique du tabagisme sur l’inflammation, mais ni les essais se fondant sur l’utilisation de patchs, ni ceux testant des lavements à base de nicotine n’ont été concluants. A l’inverse, le risque de développer une maladie de Crohn est deux fois plus élevé chez les fumeurs. De plus, le tabagisme y est associé à une évolution de la maladie est beaucoup plus sévère en termes de poussées, de recours aux traitements corticoïdes, aux immunosuppresseurs et aux interventions chirurgicales. Les récidives post-opératoires sont en outre plus fréquentes. Chez ces patients, le sevrage est bénéfique dès la fin de la première année, avec une diminution du nombre des rechutes, du recours à la chirurgie et aux traitements immunosuppresseurs. 

L’appendicite a un effet protecteur vis-à-vis de la rectocolite hémorragique, si elle est survient avant l’âge de 20 ans. 

Le rôle de l’environnement dans la survenue des MICI, en particulier celui de la pollution, est soutenu par l’augmentation rapide de l’incidence de ces maladies dans les pays en voie d’industrialisation et par le fait que leur prévalence est plus élevée en Europe et Amérique du Nord. Des études suggèrent l’implication de micro/nanoparticules ou encore de métaux lourds comme l’aluminium. Cependant, aucun résultat déterminant n’a apporté de preuve formelle dans ce domaine. 

L’alimentation pourrait également être en cause. Récemment, une équipe Inserm a établi un lien entre l’exposition aux émulsifiants alimentaires trouvés dans les aliments transformés par l’industrie et le risque d’inflammation intestinale chez l’animal. Ces émulsifiants pourraient favoriser la présence de bactéries proinflammatoires au sein du microbiote intestinal et/ou modifier les fonctionnalités de l’épithélium intestinal, notamment en modulant sa perméabilité. 

Coupe histologique du côlon d'un patient atteint par la maladie de Crohn
Coupe histologique du côlon d’un patient atteint par la maladie de Crohn. La pathologie est caractérisée par la diminution de la présence du mucus (bleu clair) dans la lumière des cryptes coliques (bleu foncé). Coloration au bleu Alcyan. Microscopie optique. Image réalisée à l’unité mixte de recherche 1220, Institut de recherche en santé digestive (IRSD), Toulouse. ©Inserm/Céline Deraison

Les traitements

Il n’existe pas de traitement curatif des MICI, mais les médicaments anti-inflammatoires actuels permettent dans la grande majorité des cas un contrôle durable de la maladie, pendant plusieurs années, associé à une qualité de vie satisfaisante. Ils préviennent l’apparition des poussées et prolongent les phases de rémission en favorisant la cicatrisation des lésions du tube digestif. Les approches utilisées dans la rectocolite hémorragique et la maladie de Crohn ne sont pas les mêmes. Par ailleurs, les médicaments, les modes d’administration et les doses proposées, dépendent de l’étendue des lésions, de l’intensité de la poussée et du profil évolutif de la maladie. 

La fréquence et l’importance des diarrhées peuvent entraîner une carence nutritionnelle. Une supplémentation en fer, acide folique, zinc, magnésium, vitamines... peut être nécessaire, par voie orale ou intraveineuse. Chez l’enfant, il faut parfois recourir à la nutrition entérale, exclusive ou en complément. 

Les traitements anti-inflammatoires

En cas de rectocolite hémorragique, des 5‑aminosalicylés (5‑ASA) sont le plus souvent prescrits dans les formes débutantes et de sévérité faible à moyenne. Mais ils ne sont pas efficaces dans la maladie de Crohn. 

Dans la maladie de Crohn, les corticoïdes sont privilégiés. Mais leur utilisation doit être limitée en raison de leurs effets secondaires à moyen et long terme (prise de poids, élévation de la tension artérielle, troubles endocriniens et osseux...). La tendance actuelle est de pratiquer de courts traitements d’attaque. Il n’y a plus d’indication à la corticothérapie au long cours. 

Les biothérapies immunomodulatrices ou immunosuppressives

En cas de maladie évolutive, les médecins instaurent rapidement un traitement immunomodulateur ou immunosuppresseur, pour stopper les crises et éviter l’apparition de nouvelles lésions. Ces médicaments permettent de réguler l’immunité des patients et réduire l’inflammation à long terme. Les plus utilisés sont les biothérapies, en particulier les anti-TNFα qui bloquent spécifiquement des facteurs d’inflammation impliqués dans la maladie. Le TNFα est un élément clé du processus inflammatoire, produit par les cellules de l’organisme. Normalement, il favorise l’inflammation pour lutter contre certaines infections. 

En cas d’échec des anti-TNFα , d’autres biothérapies existent. Dans la maladie de Crohn, l’ustékinumab (anti-cytokines Il-12/Il-23) peut être proposé. Il s’agit d’un anticorps monoclonal bivalent, conçu pour se lier à deux cytokines du système immunitaire : l’ interleukine-12 (IL-12) et l’interleukine-23 (IL-23). Ces messagers moléculaires interviennent dans l’inflammation intestinale et d’autres processus à l’origine des lésions intestinales. En les bloquant, l’ustékinumab réduit l’activité du système immunitaire et les symptômes de la maladie. 

Dans la rectocolite hémorragique, une autre option est le vedolizumab. Il s’agit d’un anticorps monoclonal indiqué en cas de poussées modérées à sévères chez les adultes atteints d’une MICI non contrôlée malgré un traitement conventionnel (corticoïdes, immunosuppresseurs) et/ou à base d’anticorps anti-TNFα. Ce médicament bloque une molécule, l’intégrine, qui permet l’acheminement de cellules de l’immunité (des lymphocytes) au niveau des régions inflammées du tube digestif. 

La moitié des patients répondent bien aux biothérapies à leur démarrage. Mais le traitement finit par ne plus être efficace chez la moitié d’entre eux, le plus souvent après deux ans d’utilisation : il faut alors changer de molécule. C’est pourquoi de nouvelles molécules immunosuppressives sont attendues. 

La chirurgie

Pour les malades résistants à un traitement bien suivi, ou encore suite à l’apparition de complications, un traitement chirurgical peut être proposé. Après 10 ans d’évolution de la maladie, plus d’un patient sur deux a subi une intervention afin de retirer le segment de son tube digestif le plus atteint. Cette proportion devrait diminuer dans les années à venir, grâce à l’arrivée de nouveaux médicaments plus efficaces. 

Dans la maladie de Crohn plusieurs segments du tube digestif peuvent être touchés de façon plus ou moins étendue. On limite au maximum la longueur des segments intestinaux retirés, notamment au niveau de l’intestin grêle qui est nécessaire à la bonne assimilation des aliments. Les extrémités saines de l’intestin sont ensuite raccordées. 

Les lésions de la rectocolite hémorragique se limitent au côlon et au rectum. Le chirurgien peut pratiquer une résection quasiment complète ou complète (coloproctectomie totale) du côlon et du rectum. La continuité du tube digestif est rétablie en raccordant la partie terminale de l’intestin grêle à l’anus, à la partie supérieure du rectum, ou directement à la peau (l’anus devient alors artificiel). 

Lorsque l’intervention a permis de retirer la totalité ou la plus grande partie de la zone malade, le patient retrouve généralement un bon état général. Mais si une partie importante d’intestin a dû être enlevée, ses capacités digestives sont réduites. 

La transplantation fécale à l’étude

La transplantation fécale consiste à introduire les selles d’une personne saine, hébergeant de bonnes bactéries intestinales, dans le tube digestif d’un patient afin de reconstituer sa flore intestinale et de l’aider à lutter contre sa maladie. Compte tenu des anomalies du microbiote intestinal constaté chez les personnes atteintes de MICI, cette approche est évaluée dans la MC et la RCH. Le succès est relatif : moins de la moitié des patients répondent au traitement (entre 24% et 50% selon les essais), avec une efficacité supérieure dans la rectocolite hémorragique. La rémission observée chez ces patients n’est que temporaire. 

Les enjeux de la recherche

Découvrir les facteurs déclenchants ou aggravants

Plusieurs facteurs, à la fois génétiques et environnementaux, ont été mis en cause pour expliquer l’inflammation de l’intestin associée à ces maladies. Depuis plusieurs années, l’équipe Inserm de Benoît Chassaing s’intéresse au rôle de l’alimentation, notamment à l’impact de certains additifs alimentaires comme les émulsifiants. Les chercheurs ont montré que des bactéries intestinales mises en contact avec les émulsifiants, surexpriment des groupes de gènes qui augmentent leur virulence et leur propension à induire l’inflammation. Ils tentent maintenant de lister les bactéries concernées. 

Par ailleurs, le suivi de la française Mikinautes, en association avec Epimad et soutenue par l’association de patients François Aupetit, cherche à mettre en évidence les facteurs impliqués dans les rechutes des MICI. Les 2 000 patients de la cohorte informent régulièrement les chercheurs sur leurs habitudes de vie, notamment leurs habitudes alimentaires, ainsi que sur leur état de santé. L’objectif est de tenter d’établir des associations entre certains comportements ou expositions et le risque de rechute. 

Vers de nouveaux médicaments

Les inhibiteurs de Janus kinases (JAK) et les modulateurs des récepteurs des sphingosine-1-phosphate (S1P) sont les molécules au stade le plus avancé du développement clinique. 

L’inhibition de la voie de signalisation JAK-STAT permet de bloquer la production de cytokines proinflammatoires, dont le TNFα, d’inhiber d’autres voies de l’inflammation et de réguler l’immunité innée et adaptative. Les molécules inhibitrices développées sont des molécules chimiques et non des biothérapies. Au sein de cette famille, le tofacitinib est déjà commercialisé en rhumatologie, dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. Une autorisation de commercialisation pour le traitement de la rectocolite hémorragique est en attente. Le filgotinib et l’upadacitinib sont quant à eux en cours d’évaluation (essais de phase III) dans la maladie de Crohn. 

Le récepteur de la sphingosine-1-phosphate joue pour sa part un rôle essentiel dans la mobilité des cellules lymphocytaires activées, leur permettant de rejoindre le site inflammatoire intestinal. Des modulateurs de l’activité de ce récepteur sont en cours de développement, dont l’ozanimod qui donne des résultats encourageants dans des essais de phase II-III dans la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. 

Enfin, l’aprémilast, une petite molécule administrée par voie orale qui inhibe la phosphodiestérase de type 4 (PDE4), montre aussi des résultats encourageants dans des essais de phase II conduit chez des patients atteints de rectocolite hémorragique. 


Mieux évaluer les bénéfices des traitements disponibles

Un grand projet européen, I‑Care, est par ailleurs en cours pour mieux comprendre les risques et bénéfices des traitements actuels. Il s’agit d’une cohorte observationnelle de plus de 17 000 patients atteints de MICI, suivis dans 17 pays européens. Les chercheurs tentent notamment d’évaluer la fréquence d’apparition d’infections sévères et de cancers, en particulier des lymphomes dans le cas de traitements par anti-TNF, seuls ou en association avec des thiopurines. Ils cherchent aussi à établir un bilan coût/efficacité des différentes options thérapeutiques actuelles. Les patients volontaires sont suivis pendant 3 ans, avec un recueil des traitements qu’ils reçoivent (nature et doses des médicaments, éventuels traitements chirurgicaux), de l’évolution de leurs symptômes, de leurs hospitalisations et l’impact de la maladie sur leur vie socioprofessionnelle. 


Moduler le microbiote intestinal

Des chercheurs poursuivent par ailleurs leurs travaux sur le microbiote intestinal, notamment en cherchant à caractériser les bactéries qui ont un effet proinflammatoire. C’est le cas de celles qui acquièrent des propriétés de migration, comme les bactéries AIEC de type E. coli décrites plus haut : cette capacité leur permet de traverser le mucus et d’induire une inflammation le long de la paroi intestinale. Certaines équipes cherchent le moyen d’éradiquer ces bactéries, grâce à des antibiotiques ou à l’aide de virus les infectant spécifiquement (bactériophages). D’autres s’intéressent aux flagelles bactériens, des sortes de cils impliqués dans la migration cellulaire. Chez des animaux prédisposés aux MICI, des molécules bloquant l’activité des flagelles protègent contre l’apparition d’une inflammation. Ces travaux pourraient ouvrir la voie à de nouvelles cibles thérapeutiques. 

De fait, le microbiote intestinal est une cible thérapeutique en raison de ses déséquilibres observés dans les MICI. Jusqu’ici, les essais cliniques visant à rétablir un meilleur équilibre à l’aide de probiotiques/prébiotiques n’ont pas été concluants, mais ils se poursuivent avec la transplantation fécale qui apporte un bénéfice chez certains patients, en particulier ceux atteints de rectocolite hémorragique. Les effets de ce traitement ne sont pas encore bien connus. L’efficacité semble toutefois modérée, puisqu’elle est observée chez moins de la moitié des patients. Dans 15% des cas, l’approche est même associée à une aggravation des symptômes de la maladie. Des effets indésirables (douleurs intestinales ou infections) peuvent en outre survenir. Les chercheurs tentent donc de mieux définir les modalités à mettre en oeuvre et d’identifier les patients répondeurs pour améliorer l’utilisation de cette approche. 

Des expérimentations portent par ailleurs sur la greffe fécale autologue. Les selles sont prélevées chez le malade lui-même pendant une phase de rémission et réadministrées lors d’une crise. Ce processus permettrait probablement une meilleure tolérance et une plus grande acceptabilité par les patients. 

Enfin, des équipes essayent de créer des probiotiques génétiquement modifiées, qui permettraient d’implanter dans le microbiote des patients une espèce bactérienne d’intérêt dotée de propriétés supplémentaires, comme la sécrétion d’immunomodulateurs.

La thérapie cellulaire

Environ 20% des personnes atteintes de maladie de Crohn présentent une fistule, en particulier au niveau du périnée. Chez ces patients, le recours à la thérapie cellulaire est envisageable, même si cette pratique reste confidentielle. Une injection unique de cellules souches adipeuses au niveau de la fistule périanale permet de la refermer dès la 6e semaine. Ce traitement présente une activité immunorégulatrice qui limite la prolifération des lymphocytes activés et réduit la libération de cytokines pro-inflammatoires. Il permet la cicatrisation. Aucun traitement immunosuppresseur n’est nécessaire. Un médicament de thérapie cellulaire est disponible dans cette indication, le darvadstrocel, composé de cellules souches mésenchymateuses humaines adultes allogéniques en suspension, issues de cellules souches adipeuses prélevées chez des donneurs adultes.

D’autres approches de thérapie cellulaire sont en développement pour rééduquer le système immunitaire du patient et le rendre moins inflammatoire, par exemple à base de cellules lymphocytes T régulateurs. 


Une cohorte pour en savoir plus sur le Covid-19 chez les patients atteints de MICI

Dans le cadre de la pandémie de Covid-19, une cohorte multicentrique coordonnée par le CHU de Nantes, a été mise en place pour recueillir des données sur les liens entre cette nouvelle maladie infectieuse et les MICI. La cohorte IBD-COVID-19 inclut déjà 850 patients. Des analyses sanguines et un suivi sur six mois leur sont proposés afin de déterminer si les traitements contre les MICI ont une influence sur le risque de survenue et de sévérité de l’infection à SARS-CoV‑2.


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