Vers un nouveau traitement du syndrome de l’X fragile ?

Une équipe de l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire (Valbonne – Sophia Antipolis) dirigée par Barbara Bardoni, chercheuse Inserm, a mis en évidence le rôle clé d’une protéine, la PDE2A, dans le développement du syndrome de l’X fragile. Une découverte qui ouvre la voie à de nouvelles possibilités thérapeutiques à court terme.

Barbara Bardoni et son équipe travaillent depuis une vingtaine d’années sur le syndrome de l’X fragile (FXS). Cette maladie génétique touche environ un homme sur 4 000 et une femme sur 8 000. Elle constitue la forme la plus fréquente de déficience intellectuelle héréditaire et c’est en outre une des principales causes génétiques de trouble du spectre autistique. Aujourd’hui, il n’existe aucun traitement spécifique pour la prendre en charge. 

Le FXS est causé par la perte d’expression du gène FMR1, qui conduit à l’absence de la protéine FMRP (pour Fragile X Mental Retardation Protein). Cette protéine joue un rôle important dans la production et le transport d’autres molécules dans les neurones. 

Au travers de leurs travaux, les chercheurs ont pu identifier certaines cibles importantes de la FMRP, et mieux comprendre comment la maladie évolue dans le temps. 

Un modèle murin du FXS pour mener les expérimentations

Les chercheurs ont travaillé sur des modèles murins du syndrome, permettant d’étudier les perturbations du système nerveux central ainsi que les troubles de l’interaction sociale observés chez les patients. Ils se sont focalisés sur une période critique du développement cérébral, autour du 13e jour de vie, et sur des zones précises du cerveau, notamment l’hippocampe, le cortex et le cervelet. « Les neurones des patients atteints du FXS présentent des synapses anormales. Plus particulièrement, les épines dendritiques sont immatures, trop longues ou trop fines. L’âge de 13 jours correspond au moment où les synapses et les épines dendritiques se forment dans le cerveau des souris, et où l’expression de la protéine FMRP est à son niveau maximal » explique Barbara Bardoni. 

Une première série d’expériences a permis de montrer que l’une des cibles de la FMRP, la phosphodiestérase PDE2A, est produite en trop grande quantité chez les souris FXS. Cette enzyme dégrade l’AMP cyclique et le GMP cyclique, des messagers secondaires importants impliqués dans le développement du cerveau et son fonctionnement, notamment dans la mémoire et l’apprentissage. Lorsque la PDE2A est présente en trop forte quantité, l’AMP cyclique est dégradé de manière trop importante et ne pourra plus assurer ses fonctions. Pour comprendre l’implication de PDE2A dans le FXS, l’équipe de Barbara Bardoni a administré aux souris un inhibiteur de cette enzyme et étudié l’effet de ce traitement. 

Réduire les effets de la maladie sur le long terme

En leur administrant l’inhibiteur de PDE2A à 10, 14 et 21 jours de vie, les scientifiques ont constaté que les souris FXS voyaient leurs capacités de communication, d’interaction et de discrimination entre individus s’améliorer. « Le traitement a non seulement amélioré le déficit de comportement social de ces souris, mais aussi la morphologie de leurs épines dendritiques et la plasticité synaptique dans les régions cérébrales étudiées, et cela même après l’arrêt du traitement. Ces résultats montrent qu’en intervenant à une période critique du développement des souris, il est possible de réduire les effets du FXS sur le long terme » précise Barbara Bardoni. 

Quelles sont les perspectives thérapeutiques ? Certaines molécules qui ciblent les phosphodiestérases, et qui sont produites par l’industrie pharmaceutique, pourraient potentiellement être utilisées pour traiter le syndrome de l’X fragile. L’équipe de Barbara Bardoni souhaite identifier, parmi ces molécules, celles qui pourraient agir sur la PDE2A. Cela permettrait d’envisager très rapidement de nouvelles voies thérapeutiques pour le FXS. L’équipe compte en outre mieux identifier les périodes pendant lesquelles intervenir pour traiter ce syndrome, et étudier au niveau moléculaire les conséquences du surplus de PDE2A dans le cerveau. Les chercheurs tenteront aussi de déterminer si cette approche thérapeutique pourrait être utile dans d’autres formes de troubles de l’interaction sociale ou de déficience intellectuelle. 

Du labo à la scène

Barbara Bardoni a participé au projet Binôme : pendant 50 minutes, elle a rencontré une dramaturge, Sonia Ristic, et lui a parlé de ses recherches. A l’issue de cette rencontre, l’auteure a créé une pièce de 30 minutes : Bobby et le garçon X‑fragile. « C’était très excitant ! J’ai apprécié cette façon de communiquer auprès du grand public, qui permettait notamment d’intéresser plus de personnes à des maladies moins communes, moins répandues, ou pour lesquelles les gens se sentent moins concernés. L’ensemble du sujet était traité de façon intelligente et sensible » raconte la chercheuse. 

Pour en savoir plus sur le projet Binôme

Source : T. Maurin et coll. Involvement of Phosphodiesterase 2A Activity in the Pathophysiology of Fragile X Syndrome. Cerebral Cortex, édition du 23 août 2018. doi : 10.1093/cercor/bhy192.