Le stress infantile précoce retentirait sur l’activité cérébrale à long terme

Selon une étude menée chez la souris, le stress précoce favoriserait une maturation anticipée de certaines cellules gliales du cortex préfrontal, associée à une modification à court et à long terme de l’activité neuronale locale.

Le stress précoce subi durant l’enfance peut avoir un impact important sur les fonctions cérébrales adultes. En effet, les enfants concernés sont connus pour présenter une vulnérabilité accrue vis-à-vis du risque ultérieur de troubles dépressifs ou anxieux, de toxicomanie ou de schizophrénie. Reste à en décrire précisément l’origine : est-elle d’ordre épigénétique, moléculaire, cellulaire ? Pour le savoir, des chercheurs ont développé puis étudié un modèle de stress précoce chez la souris. L’idée était d’observer l’impact immédiat du stress pendant le développement, via des études génomiques et des analyses cellulaires menée sur le cortex préfrontal. Cette région du cerveau joue en effet un rôle important dans le contrôle émotionnel. Les chercheurs ont ensuite étudié comment les modifications mises en évidence impactaient le comportement des animaux devenus adultes. 

Anne Teissier*, qui a conduit la majeure partie des expérimentations, résume : « Nous avons observé une modification précoce de la production locale de myéline, une protéine indispensable à une bonne conduction nerveuse. Nous avons identifié que ce phénomène est dû à une maturation anticipée des cellules progénitrices des oligodendrocytes (CPO) en charge de cette synthèse. Or, ces bouleversements sont associés à la modification de l’activité neuronale au cours du développement ».

Des anomalies cellulaires associées à troubles du comportement

La seconde partie du travail a permis de confirmer l’association entre l’anomalie de maturation des cellules, la modification de l’activité neuronale et les altérations comportementales observées après un stress précoce. Pour cela, les chercheurs ont eu recours à la chémogénétique : grâce à des composés capables de moduler localement l’activité neuronale pendant le développement, ils ont d’abord inhibé l’activité neuronale du cortex préfrontal chez des souriceaux non stressés. Cette expérience a engendré une maturation accélérée des CPO, similaire à celle observée durant la première partie de l’étude. De plus, les animaux ainsi exposés présentaient, à l’âge adulte, des troubles de comportement similaires à ceux d’adultes exposés à un stress précoce. D’autres outils chémogénétiques ont été utilisés pour augmenter transitoirement l’excitabilité neuronale : cela a limité la maturation précoce des CPO et certains comportements associés à la dépression

« Ces travaux mettent en évidence une maturation accélérée des cellules productrices de myéline qui se traduit ultérieurement en une incapacité du tissu nerveux à répondre au stress » explique Patricia Gaspar*, qui a dirigé le travail. Ils pourraient expliquer pourquoi le stress précoce rend vulnérable aux stress ultérieurs. Par extension, cette hypothèse pourrait être transposée à l’humain, ce qui devra être validé par des expérimentations spécifiques. En cas de confirmation, la compréhension fine des mécanismes impliqués pourrait aboutir, à long terme, à une réflexion concernant la prise en charge de ces troubles. 

Note :
* unité 1270 Inserm/Sorbonne Université, équipe Mécanismes du développement cérébral, Institut du fer à moulin, Paris 

Source : Teissier A et al. Early-life stress impairs postnatal oligodendrogenesis and adult emotional behaviour through activity-dependent mechanisms. Mol Psychiatry du 22 août 2019. doi : 10.1038/s41380-019‑0493‑2