La protéine prion : un acteur du destin des cellules souches neurales

Le rôle énigmatique de la protéine prion dans les cellules souches vient d’être en partie élucidé : elle participerait au renouvellement des cellules neurales en contrôlant une voie majeure du développement embryonnaire, la voie Notch.

Principalement connue et étudiée pour son rôle dans la survenue de maladies neurodégénératives telle que la maladie de Creutzfeldt-Jakob, la protéine prion (PrP) est présente dans quasiment tous les tissus de l’organisme et pourrait assurer de multiples fonctions cellulaires. Un de ses rôles physiologiques, découvert en 2006, est de contribuer à la prolifération des cellules souches hématopoïétiques et neurales. En absence de PrP, cette prolifération est en effet réduite. Mais une décennie plus tard, les mécanismes impliqués restent mystérieux. Ce sont précisément à eux que s’est intéressée l’équipe de Sophie Mouillet-Richard*. 

Une expérience double : in vitro et in vivo

Les chercheurs ont tout d’abord travaillé in vitro sur différents types de cellules placées en culture. Ils ont d’une part utilisé une lignée de cellules qui possèdent des propriétés de cellules souches neurales, exprimant la protéine PrP en conditions contrôles, et dans lesquelles il est possible « d’éteindre » cette expression. Ils ont également étudié ce qu’il se passait dans des progéniteurs neuronaux issus d’embryons de souris, exprimant ou non la protéine. 

Dans ces deux modèles, les chercheurs ont pu observer que l’absence de protéine prion était associée à des défauts dans une voie de signalisation bien connue des embryologistes : la voie Notch. Initialement mise en évidence chez la mouche drosophile, cette voie s’avère capitale dans le destin des cellules qui conduiront au développement de nombreux tissus. « Elle est très conservée à travers l’évolution » souligne Sophie Mouillet-Richard. Dans le contexte cérébral, la voie Notch maintient « l’état cellule souche » et bloque la différentiation de ces cellules en neurones. « Sans PrP, les cellules souches passeraient dans un état moins immature, c’est-à-dire qu’elles seraient davantage engagées vers leur destin de neurone » explique la chercheuse. 

Pour aller plus loin, les chercheurs ont ensuite voulu, en collaboration avec des équipes de l’Inra, reproduire leurs observations in vivo, directement dans des embryons de souris. Un premier défi consistait à identifier à quel moment du développement il convenait de comparer le système nerveux des souris avec et sans expression de la protéine prion. En effet, le développement des souris n’exprimant pas la PrP semble à première vue normal. « Nous avons balayé différents stades avant de cerner une fenêtre de temps très étroite, autour du jour 9 et demi de développement embryonnaire, au cours de laquelle une différence est observable » rapporte-t-elle. Au final, les chercheurs ont pu confirmer que l’absence de la protéine prion induit des altérations de la voie Notchin vivo, dans le système nerveux central en développement. 

Quelles implications possibles ?

« Les conséquences de ces défauts sont très subtiles et transitoires chez l’embryon » note la chercheuse, indiquant que les conclusions des résultats obtenus sont de deux ordres. En premier lieu, le fait que les souris sans PrP se développent sans anomalie majeure du système nerveux central laisse penser que tout un système de compensation se met rapidement en place. Mais les altérations observées au cours du développement pourraient avoir des répercussions beaucoup plus tardives« Elles pourraient notamment expliquer des différences de comportement chez les souris adultes » avance-t-elle, faisant référence au courant de pensée selon lequel le fonctionnement du cerveau adulte serait largement influencé lors de la « programmation fœtale ». 

Note

*unité 1124 Inserm/université Paris Descartes, Centre universitaire des Saints Pères- BCDE 

Source

S Martin-Lannerée et coll. The Cellular Prion Protein Controls Notch Signalling in Neural Stem / Progenitor Cells. Stem Cells, édition en ligne du 19 septembre 2016