Un procédé de référence pour produire des cellules rétiniennes à partir de cellules souches

Une équipe Inserm à l’Institut de la vision a développé un mode de production fiable, reproductible et adaptable aux normes des agences de santé, pour produire des cellules rétiniennes utiles à la recherche et à la thérapie cellulaire.

Alors qu’une équipe de l’hôpital Georges Pompidou vient de développer une technique de production de cellules souches cardiaques autorisées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire des médicaments et des produits de santé (ANSM), une autre équipe de l’Inserm vient de réaliser une prouesse du même ordre à l’Institut de la vision (Paris), concernant cette fois la production de cellules rétiniennes. Aucune demande d’agrément n’a encore été effectuée auprès de l’ANSM, mais l’équipe s’est placée au plus proche des normes et règlementations en vigueur pour produire des cellules à visée thérapeutique et elle a déjà déposé un brevet. 

Un minimum de facteurs exogènes

© Inserm/Ghouinem, Lydia Cellule de rétine humaine, le noyau est en bleu, le cytosquelette en vert et rouge. Photographie prise au microscope à fluorescence à la plate-Forme Cochin Imagerie.

« La production de cellules rétiniennes à partir de cellules souches pluripotentes se fait dans différents laboratoires en fonction des besoins expérimentaux. Ils utilisent des milieux de culture de type matrigel enrichis avec de nombreuses molécules exogènes et des protéines d’origine animale comme des hormones de croissance. Ces procédés sont difficilement compatibles avec une future utilisation clinique des cellules en thérapie. Nous avons voulu remédier à cela en développant un procédé de production qui puisse servir de référence, fiable, sûr et facilement reproductible par les laboratoires », explique Olivier Goureau*, co-auteur des travaux. 

Pour cela, son équipe est partie de cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS) reprogrammées à partir de cellules de la peau d’individus sains ou atteints de dystrophie rétinienne. Les chercheurs ont cultivé ces cellules iPS « à confluence », c’est à dire jusqu’à ce qu’elles entrent en contact les unes avec les autres. Grâce à ces contacts, les cellules s’organisent naturellement les unes par rapport aux autres et secrètent elles-mêmes les facteurs nécessaires à leur différenciation. Le simple fait d’utiliser un milieu nutritif adapté à la culture de neurones, comprenant toutefois cinq molécules d’origine humaine comme de l’insuline, favorise l’orientation neurale à l’origine de la formation des cellules rétiniennes. 

Trois types de cellules rétiniennes

En un mois environ, les chercheurs peuvent ainsi produire différentes cellules rétiniennes potentiellement utilisables en thérapie cellulaire : les cellules épithéliales pigmentées, les cellules ganglionnaires et les précurseurs des photorécepteurs« S’il est possible d’obtenir des cultures pures de cellules épithéliales pigmentaires, nous travaillons encore sur le meilleur moyen d’isoler efficacement les précurseurs des photorécepteurs en écartant un risque de tératome** », précise Olivier Goureau. 

En collaboration avec l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques (I‑Stem, unité 861 Inserm/Université d’Evry Val d’Essonne), les chercheurs vont maintenant tester ces cellules dans le cadre d’essais précliniques de thérapie cellulaire, pour réparer les dommages cellulaires retrouvés dans différentes pathologies (DMLA, glaucome, rétinite pigmentaire…). 

Ce procédé est également un formidable outil de recherche pour étudier le développement précoce de la rétine et certaines pathologies. « En cultivant des cellules iPS provenant d’individus présentant une maladie génétique rétinienne, nous avons obtenu des cellules rétiniennes porteuses de la mutation. Cela permet d’étudier plus facilement les mécanismes pathologiques en cause. Nous pourrons aussi tester l’effet de molécules thérapeutiques. Plusieurs laboratoires pharmaceutiques se sont déjà déclarés intéressés par ce type d’approche », se réjouit Olivier Goureau. 

Note

*unité 968 Inserm/CNRS/université Pierre et Marie Curie, Institut de la vision, Paris 

**cancer lié à la pluripotence des cellules 

Source

S. Reichman et coll. From confluent human iPS cells to self-forming neural

retina and retinal pigmented epithelium. Proc Nalt Acad Sci USA, édition en ligne du 27 mai 2014