Paludisme et toxoplasmose : découverte d’une protéine clé de l’infection

Les mécanismes d’invasion utilisés par les parasites responsables du paludisme et de la toxoplasmose sont encore très mal connus et semblent très éloignés de ceux décrits pour les bactéries. A Montpellier, Maryse Lebrun et son équipe résolvent peu à peu les énigmes. Ils viennent ainsi de décrire une nouvelle protéine impliquée dans la libération de molécules d’invasion et de facteurs de virulence dans les cellules hôtes.

Les mécanismes d’invasion des cellules hôtes par deux parasites de la grande famille des apicomplexes, Toxoplasma gondii et Plasmodium falciparum (respectivement responsables de la toxoplasmose et du paludisme), sont peu à peu élucidés. Maryse Lebrun et son équipe* s’y emploient. Ils viennent de découvrir et de décrire une protéine responsable de la libération de facteurs de virulence dans la cellule hôte : RASP2. 

Les parasites contiennent notamment deux types de compartiments intracellulaires appelés micronèmes et rhoptries. Ils stockent des protéines impliquées dans l’invasion et la manipulation des cellules et du système immunitaire de l’hôte. Mais la façon dont ces « armes » sont libérées reste un mystère… en particulier pour ce qui concerne celles stockées dans les rhoptries. Pour en savoir plus, Maryse Lebrun et son équipe ont recherché les protéines présentes à la surface de ces derniers, susceptibles d’être impliquées dans l’expulsion (ou exocytose) des molécules qu’ils contiennent. 

La famille des RASP

Pour ce travail, les chercheurs ont utilisé des banques publiques de données transcriptomiques, qui reflètent la production de protéines par un organisme au cours de son cycle de vie. Ils ont regardé quels gènes étaient exprimés et traduits en protéine au cours de la formation de nouvelles rhoptries. Dans un second temps, ils ont sélectionné les protéines présentes à la fois dans les espèces Toxoplasma et Plasmodium, suspectant qu’un mécanisme comme l’exocytose, aussi déterminant pour la survie du parasite, était vraisemblablement conservé. Enfin, les chercheurs ont regardé si les protéines candidates étaient bien exprimées au pôle apical des rhoptries, c’est-à-dire là où se déroule la libération de leur contenu. C’est ainsi qu’ils ont fini par isoler une famille de protéines qu’ils ont appelées RASP 1, 2 et 3 pour Rhoptry Apical Surface Proteins.

En supprimant sélectivement l’activité de ces protéines dans des parasites en culture, les chercheurs ont constaté que l’absence de RASP1 et 3 n’affectait pas leur fonctionnement. Mais en l’absence de RASP2, ces organismes sont devenus incapables de libérer le contenu des rhoptries et donc d’envahir une cellule hôte, et de survivre. Ils ont alors décortiqué les anomalies fonctionnelles des parasites mutants et analysé la structure de la protéine. Résultat : un domaine de RASP2 peut se lier à deux lipides connus pour être impliqués dans les fusions membranaires, un mécanisme nécessaire à la libération du contenu d’organelles intracellulaires. 

Pour les chercheurs il ne fait donc pas de doute que RASP2 est impliquée dans l’exocytose du contenu des rhoptries, une étape indispensable à l’invasion et la survie intracellulaire de ces parasites. Reste néanmoins à mieux caractériser le fonctionnement et la régulation de RASP2, et à découvrir d’éventuelles molécules partenaires. A terme, Maryse Lebrun espère fournir la description complète des phénomènes d’invasion par ces parasites : cela pourrait ouvrir de nouvelles pistes thérapeutiques contre les maladies dont ils sont responsables. 

Note :
* UMR 5235 CNRS/Université Montpellier, Biogenèse membranaire et interactions avec la cellule hôte chez Plasmodium et Toxoplasma, équipe Invasion de la cellule hôte et survie intracellulaire des parasites Apicomplexa, Montpellier

Source : C. Suarez et coll. A lipid-binding protein mediates rhoptry discharge and invasion in Plasmodium falciparum and Toxoplasma gondii parasites, Nature Communications, édition du 6 septembre 2019, DOI : 10.1038/s41467-019–11979‑z