Obésité : un « convoyeur de fonds » impliqué dans les troubles métaboliques

Diabète de type 2, athérosclérose, stéatose hépatite non alcoolique… La médecine manque encore cruellement d’approches thérapeutiques permettant de limiter les comorbidités liées à l’obésité. Les vésicules extracellulaires commencent à apparaître comme d’importants effecteurs dans les mécanismes les initiant. Elles pourraient constituer des biomarqueurs prédictifs des complications cardiovasculaires de l’obésité, ou même des cibles pour les prévenir.

Les vésicules extracellulaires (VE) sont des nanovésicules formées à partir de la membrane cellulaire de nombreuses cellules. On les retrouve dans le milieu extracellulaire et dans de nombreux fluides de l’organisme. Longtemps considérées comme des transporteurs des déchets cellulaires, ces unités récemment ont été décrites comme capables de transférer du contenu biologique d’une cellule à l’autre. Depuis, ce rôle de « convoyeur de fonds » fait l’objet de nombreuses études en oncologie ou en cardiologie. Il suscite en outre un intérêt croissant dans le domaine de l’obésité.

Ainsi, une équipe angevine encadrée par Soazig Le Lay* se concentre depuis quelques temps sur le rôle des VE dans les désordres métaboliques liés à l’obésité. « Le tissu adipeux n’est pas seulement un lieu de stockage des lipides : c’est aussi un véritable organe endocrine qui secrète de nombreuses substances, les adipocytokines. Leur sécrétion est fortement modifiée en cas de surcharge pondérale et joue un rôle dans le développement de troubles métaboliques associés à l’obésité. Il était intéressant de savoir si les VE avaient un rôle dans leur sécrétion, leur transport et, par conséquent, dans leur activité ».

MIF, un passager pro-inflammatoire

Pour cela, l’équipe a prélevé du sang chez une trentaine de sujets présentant un syndrome métabolique (issus de la cohorte Numevox – CHU Angers) et chez une vingtaine de sujets sains, chacun étant catégorisé selon son indice de masse corporelle (IMC). Les chercheurs ont dosé les différents types de VE circulants dans leur plasma, à savoir les exosomes et les microvésicules qui sont plus volumineuses : « Nous avons constaté que la concentration de ces deux populations augmentait avec l’IMC » rapporte Soazig Le Lay. Ils ont ensuite analysé différentes molécules plasmatiques impliquées dans l’inflammation avant et après avoir éliminé les VE des échantillons sanguins. « Cette étape nous a permis de constater que si la plupart de ces composés sont libres dans le sang, puisque leur dosage est équivalent avant ou après élimination des VE, ce n’est pas le cas du Macrophage Migration Inhibitory Factor (MIF) : la concentration de ce facteur proinflammatoire chute après élimination des microvésicules, signifiant que son transport jusqu’à son site d’action s’effectue, en grande majorité, grâce à ces grosses VE ».

La dernière étape du travail a consisté à étudier le mécanisme d’action de MIF une fois parvenu jusqu’aux macrophages : « Nous avons observé qu’il agissait sur sa cible intracellulaire après avoir été internalisé par les microvésicules. A l’état libre, il produit ses effets sans pénétrer dans les cellules, en activant une cascade réactionnelle à partir de la membrane du macrophage, par interaction avec des récepteurs spécifiques ».

Cette spécificité est d’importance : le site d’action intracellulaire de MIF pourrait en effet constituer une cible thérapeutique, et l’inhiber pourrait limiter le phénomène inflammatoire lié à l’obésité. Plus largement, « les microvésicules pourraient aussi être utilisées comme des navettes grâce auxquelles certains agents anti-inflammatoires pourraient agir directement au niveau intracellulaire », décrit la chercheuse. Et si cette découverte présente un intérêt pour la lutte contre l’obésité, « elle pourrait aussi apporter de nouvelles perspectives dans la recherche dédiée aux autres maladies inflammatoires chroniques, notamment rhumatologiques, où le rôle de MIF a également été décrit ».

Note :
*unité 1063 Inserm/Université d’Angers, Stress oxydant et pathologies métaboliques (SOPAM), Angers

Source : J Amosse et coll. Phenotyping of circulating extracellular vesicles (EVs) in obesity identifies large EV as functional conveyors of Macrophage Migration Inhibitory Factor. Molecular Metabolism, édition en ligne du 9 octobre 2018. https://doi.org/10.1016/j.molmet.2018.10.001