Nouvelle découverte dans la dystrophie myotonique de Steinert

Une équipe Inserm vient de montrer que les anomalies associées à la dystrophie myotonique de Steinert (DM1) conduisent, chez l’adulte, à la production de la forme embryonnaire d’un constituant des fibres musculaires : la dystrophine. Ce phénomène provoque une désorganisation des fibres musculaires des patients.

Une protéine embryonnaire exprimée dans le muscle des adultes : voilà ce que vient de découvrir une équipe Inserm* qui s’intéresse à la dystrophie myotonique de Steinert (ou DM1), une maladie héréditaire caractérisée par une atrophie progressive des muscles. Les personnes atteintes ré-expriment de manière aberrante la forme embryonnaire de la dystrophine, protéine des fibres musculaires. Il en résulte une altération de la structure de ces dernières et de la fonction musculaire. 

La dystrophie myotonique de Steinert est une maladie rare qui toucherait plus de 6 000 personnes en France. Elle est due à une anomalie génétique située sur le chromosome 19 : la répétition d’une petite séquence d’ADN (triplet CTG) au niveau du gène DMPK. Normalement, cette séquence est répétée 5 à 37 fois. Mais chez les patients atteints de DM1, on observe une expansion du nombre de triplets, pouvant aller jusqu’à 3 000 ! 

Pour conduire à la production d’une protéine, un gène (localisé dans le noyau de la cellule) est d’abord transcrit en une molécule d’ARN. Ce « messager » va subir une maturation, passant notamment par un épissage : schématiquement, la molécule est coupée en morceaux, certains morceaux sont éliminés et les morceaux restant sont ligaturés. Grâce à ce processus un seul gène peut conduire à la synthèse de différents ARN, et donc de différentes protéine. Après l’épissage, l’ARN mature sera traduit finalement en protéine, à l’extérieur du noyau cellulaire. 

Des problèmes d’épissage

inserm 5816 850 medium
© Inserm, F. Tomé Coupe transversale de fibres musculaires et myofibrilles. 

« Plus de 40 défauts d’épissage différents ont été identifiés dans le muscle de patients DM1, précise Denis Furling, coauteur des travaux, et certains d’entre eux ont des répercussions cliniques comme la myotonie (problèmes de relaxation du muscle), la résistance à l’insuline ou encore la faiblesse musculaire ».

L’équipe du chercheur vient de montrer que ces problèmes d’épissage entrainent également la production de la forme embryonnaire de la dystrophine, en lieu et place de sa forme adulte. Or la forme embryonnaire de cette protéine ne permet pas de maintenir les fibres musculaires intactes et fonctionnelles comme le fait la forme adulte. 

Des symptômes et une sévérité variables

Dans la DM1, le nombre de répétitions du triplet CTG retrouvées au sein du gène DMPK est variable d’un patient à un autre, et cela va de pair avec une grande hétérogénéité des symptômes. Ainsi, le tableau clinique de la maladie est complexe, s’étendant de la forme congénitale très sévère dès la naissance, à une forme tardive et légère chez l’adulte. « Les premiers travaux se sont centrés sur les problèmes musculaires associés à la maladie car ce symptôme est prédominant et parce que le gène DMPK s’exprime préférentiellement dans les muscles. Mais les manifestations de la maladie peuvent être très variées, avec des troubles cardiaques, endocriniens ou encore cognitifs (problèmes de somnolence, d’humeur) », explique Denis Furling. 

Actuellement, aucun traitement ne permet de traiter la cause de la maladie et les symptômes sont pris en charge au fur et à mesure de leur apparition, dans la mesure du possible. Néanmoins, un premier médicament d’action ciblé est en cours de développement aux Etats-Unis. Il s’agit d’une petite séquence d’ADN synthétique qui se fixe spécifiquement sur l’ARN DMPK muté et permet sa dégradation. Les résultats chez la souris ont été très prometteurs. 

Note

* Unité 974 Inserm/CNRS/Université Pierre et Marie Curie, Institut de myologie, Paris 

Source

F Rau et coll. Abnormal splicing switch of DMD’s penultimate exon compromises muscle fibre maintenance in myotonic dystrophy. Nat Commun, édition en ligne du 28 mai 2015