Un nouvel outil pour évaluer l’état de conscience des patients sortant du coma

Mesurer l’échange d’informations entre différentes aires cérébrales permet d’évaluer le niveau de conscience des individus. C’est ce que montrent des chercheurs de l’Inserm qui ont effectué ce travail chez des personnes sortant du coma.

Connaître le degré de conscience d’une personne sortant du coma sera-t-il bientôt possible ? C’est ce qu’espère une équipe de chercheurs qui a développé une méthode pour mesurer l’échange d’informations entre les différentes aires cérébrales. Ces échanges sont à priori corrélés au niveau de conscience. 

Distinguer les stades qui succèdent au coma

« Nous savions déjà, grâce à de précédents travaux, que la perception consciente s’accompagne d’une activation cohérente et soutenue entre des régions distantes du cerveau. Les exemples de perception inconsciente sont quant à eux associés à des activations cérébrales plus localisées et plus évanescentes. Nous avons donc voulu savoir si l’échange d’informations dans le cerveau pouvait être un marqueur de l’état de conscience chez des patients sortant du com », Jean-Rémi King et Jacobo Sitt, coauteurs* des travaux. Ce diagnostic est très important pour adapter la prise en charge et évaluer le niveau de récupération du patient. Or à ce jour, il reste difficile. 

Un patient qui sort du coma peut passer par un état végétatif : ses yeux sont ouverts, mais il ne montre pas de signes de conscience. Peut s’en suivre un état de conscience minimale : le patient peut par exemple suivre un objet des yeux ou répondre à un stimulus, sans qu’on puisse établir une communication fonctionnelle avec lui. Des échelles cliniques aident à distinguer ces différents stades, mais elles reposent sur des observations comportementales et les erreurs de diagnostic ne sont malheureusement pas rares. C’est pourquoi, depuis quelques années, les chercheurs tentent d’améliorer cette évaluation clinique en la complétant par l’analyse de l’activité cérébrale. 

Une mesure fiable

Des chercheurs du centre de neuro-imagerie Neurospin (dirigés par Stanislas Dehaene), en collaboration avec des cliniciens chercheurs de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (dirigés par Lionel Naccache), ont ainsi mis au point un dispositif de mesure du partage d’informations dans le cerveau appelé wSMI (weighted Symbolic Mutual Information). Il permet d’enregistrer l’activité cérébrale des malades à l’aide d’un électroencéphalogramme et de mesurer l’échange d’informations entre différentes aires cérébrales. La méthode a été testée chez plus de cent personnes soumises à un stimulus sonore : des sujets sains, des patients totalement conscients mais présentant des séquelles neurologiques ou cognitives, ainsi que des patients en état végétatif ou minimalement conscients. 

Il est apparu que la mesure de la wSMI augmente systématiquement en fonction de l’état de conscience du patient. « Elle permet de distinguer nettement les patients conscients ou minimalement conscients des patients végétatifs », estime Jean-Rémi King. L’équipe travaille maintenant avec d’autres centres internationaux, pour corroborer ces résultats et étudier la reproductibilité de la mesure en fonction des pratiques. Tous espèrent qu’à terme, la wSMI deviendra un outil clinique utilisable en routine. 

Note :
*Unité 992 Inserm/CEA, Neurospin (Gif-sur-Yvette) et Unité 975 Inserm/CNRS/UMPC, Institut du cerveau et de la moelle épinière, Paris 

Source :
JR King et coll. Information Sharing in the Brain Indexes Consciousness in Noncommunicative Patients. Current Biology du 7 octobre 2013, vol. 23, pp. 1914–1919