Nouveau départ dans la compréhension des tauopathies de type Alzheimer

Un nouveau modèle animal permettant de mimer et d’observer le phénomène de mort neuronale associé à la maladie d’Alzheimer vient d’être développé. Il va permettre aux scientifiques de mieux comprendre les mécanismes précoces et l’évolution de la pathologie.

En transférant le gène humain codant pour la version « normale » de protéine Tau dans le génome de rats, des chercheurs* ont réussi à mimer l’apparition et l’évolution du phénomène à l’origine de la dégénérescence neuronale observée chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Il s’agit d’un progrès considérable pour l’étude de cette maladie. 

Tau est une protéine essentielle à la stabilisation des cellules, notamment les neurones du cerveau. Dans de nombreuses maladies appelées « tauopathies », la plus connue étant la maladie d’Alzheimer, les protéines Tau s’agrègent anormalement et seraient à l’origine de la mort des neurones. 

Maladie d’Alzheimer, une tauopathie dite « sporadique »

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© Inserm / Unité 837 Marquage fluorescent de la protéine Tau dans une cellule humaine hNT.

« Actuellement, la plupart des modèles d’étude des tauopathies sont des animaux transgéniques porteurs d’un gène Tau muté. Mais cette situation ne représente que 10 % des cas réels : neuf fois sur dix, la maladie est sporadique, sans altération du gène codant pour la protéine Tau », explique Morvane Colin, coauteur des travaux. 

Dans l’objectif de reproduire les stades précoces du développement de la maladie d’Alzheimer chez le rat, la chercheuse et ses collègues ont injecté un vecteur contenant le gène sauvage de la protéine Tau humaine dans les neurones pyramidaux de l’hippocampe des animaux. 

Cette région du cerveau est en effet connue pour être rapidement affectée par la maladie. 

Une évolution de la dégénérescence neuronale conforme à celle observée dans la maladie d’Alzheimer

Deux mois après l’injection, les chercheurs ont constaté une accumulation de protéines Tau dans ces neurones, « ce qui indique que le gène est bien rentré dans les cellules et s’est intégré de façon pérenne dans le génome de l’hôte », précise la chercheuse. Ils ont ensuite étudié le comportement de ces protéines pendant huit mois. Ils ont observé un fort niveau de phosphorylation, des changements de conformation de la protéine ainsi que des agrégats : autant de caractéristiques des protéines Tau malades connues pour conduire à la dégénérescence des neurones. « Nous avons donc réussi à mettre en œuvre une tauopathie sporadique de type Alzheimer à partir d’un gène humain sauvage, se réjouit Morvane Colin. Nous avons en outre remarqué que l’évolution du phénomène ainsi déclenché est plus lente que lorsqu’on utilise une forme mutée de Tau. Avec des protéines mutées, la dégénérescence est en effet très rapide du fait des propriétés pro-agrégatives de ces protéines. Cela montre l’importance d’un modèle exprimant la forme sauvage de la protéine Tau lorsqu’on s’intéresse à des tauopathies sporadiques », clarifie Morvane Colin. 

Vers une meilleure compréhension des mécanismes

« La génération de tels modèles devrait nous permettre d’en savoir plus sur la propagation des protéines Tau dans le cerveau. Nous espérons ainsi déterminer par quels mécanismes la pathologie Tau s’installe au cours du temps. Déterminer la nature des molécules présentes au stade précoce de la maladie pourrait nous aider à développer de nouveaux tests de dépistage précoce », précise la chercheuse. 

Note :
*Unité 837 Inserm/Université Lille 2 (équipe Alzheimer and tauopathies, Centre de recherche Jean Pierre Aubert, Lille), en association avec le CEA, le CNRS et l’université de Lausanne. 

Source :
R. Caillierez et coll. Lentiviral delivery of the human wild-type tau protein mediates a slow and progressive neurodegenerative tau pathology in the rat brain. Molecular Therapy. Edition en ligne du 23 avril 2013.