NONO, une protéine clé dans le développement du cerveau

Les déficiences intellectuelles d’origine génétique sont souvent la conséquence du fonctionnement anormal de protéines localisées au niveau de la synapse : là où a lieu la transmission d’information entre deux cellules nerveuses. Le gène NONO, connu jusqu’à présent pour son rôle dans le rythme circadien, jouerait un rôle important au niveau de ces synapses.

En étudiant un syndrome rare de déficience intellectuel, l’équipe de Laurence Colleaux* vient de mettre en évidence un gène dont le rôle dans la transmission d’information entre neurones n’était pas encore décrit : le gène NONO. « La protéine pour laquelle il code était déjà connue, notamment dans la régulation du rythme circadien. Mais rien ne permettait de lui attribuer un rôle dans le fonctionnement synaptique » explique la chercheuse. 

Laurence Colleaux et son équipe ont montré que chez les souris dont le gène NONO est muté, l’absence totale de production de la protéine entraîne une perturbation de l’expression d’autres gènes au niveau des synapses. Cette dérégulation conduit à des anomalies structurelles des synapses inhibitrices (dites GABAergiques). Or, l’équilibre physiologique existant entre les synapses excitatrices (glutamatergiques) et les synapses inhibitrices est essentiel pour le bon développement et le fonctionnement cérébral. Dans la déficience intellectuelle, cet équilibre est souvent rompu. « Nous devons maintenant montrer que ces anomalies structurelles sont bien responsables d’anomalies fonctionnelles » conclut-elle. 

Depuis que le décryptage du génome humain est possible, de nombreuses mutations génétiques expliquant la survenue de certaines déficiences intellectuelles ont été mises en évidence. Plusieurs des gènes incriminés jouent un rôle au niveau de la transmission d’information entre neurones : certains agissent sur la formation et le fonctionnement des synapses, d’autres sur la régulation de l’expression des protéines qui y véhiculent l’information. Ces anomalies modifient fréquemment la balance entre synapses excitatrices (glutamatergiques) et synapses inhibitrices (GABAergique).

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© Inserm, S. Claysen Neurones GABAergiques

La découverte du rôle clé de la protéine NONO découle elle-même de l’étude génétique d’un syndrome de déficience intellectuelle très rare : « Nous avions deux patients souffrant d’une déficience intellectuelle et d’anomalies morphologiques non décrits par ailleurs. Nous avons voulu rechercher chez eux une étiologie génétique commune. Nous avons été étonné de constater qu’ils présentaient tous deux une mutation du gène NONO ». L’enjeu a alors été de décrire le rôle de la protéine NONO au niveau du cerveau. Pour cela, l’équipe de Laurence Colleaux a collaboré avec le laboratoire de Steve Brown (Université de Zurich), qui a construit un modèle murin portant une mutation du gène. « Nous avons d’abord vérifié que les anomalies craniofaciales et cérébrales développées chez la souris étaient similaires à celles présentes chez nos deux patients. Cela nous permet de penser que les perturbations cellulaires incriminées sont probablement superposables ».

La compréhension des processus cellulaires défectueux en l’absence de protéine NONO pourrait apporter une avancée au-delà des seuls patients souffrant de ce syndrome rare : elle pourrait en effet ouvrir la voie à de nouvelles approches thérapeutiques visant à corriger le déséquilibre entre neurotransmissions excitatrices et inhibitrices qui survient dans des déficiences intellectuelles plus fréquentes comme le syndrome de Down ou comme le syndrome de l’X fragile.

Note

*Directrice du Laboratoire d’étude des bases moléculaires et physiopathologiques des désordres cognitifs, unité 1163 Inserm/Université Paris-Descartes, Institut Imagine, Paris 

Source

Mircsof D et al. Mutations in NONO lead to syndromic intellectual disability and inhibitory synaptic defects. Nature Neuroscience. 2015;18(12):1731–6. doi : 10.1038/nn.4169.