Myopathie de Duchenne : une thérapie génique en deux temps

Prétraiter les patients atteints de myopathie de Duchenne, pour augmenter temporairement leur production de dystrophine avant une thérapie génique, améliorerait très significativement l’efficacité de cette dernière. C’est ce que viennent de montrer des chercheurs, chez la souris.

La piste de la thérapie génique contre la myopathie de Duchenne se précise. Elle pourrait bien associer deux traitements pour davantage d’efficacité. C’est en tout cas ce que propose une équipe* de chercheurs qui travaille activement sur ce sujet au Centre de recherche en myologie, à Paris. 

La myopathie de Duchenne est une dégénérescence musculaire d’origine génétique, qui touche environ 150 à 200 garçons nouveaux-nés chaque année en France. Elle est due à des mutations sur le gène DMD codant pour la dystrophine, une protéine de soutien des fibres musculaires. En son absence, les fibres s’abiment à chaque contraction et finissent par se détruire, y compris dans le muscle cardiaque. Deux pistes de thérapie génique sont à l’étude pour restaurer la production de dystrophine chez les patients. L’une consiste à administrer au patient un gène permettant la synthèse d’une micro-dystrophine fonctionnelle, à l’aide d’un vecteur viral AAV. Et l’autre piste repose quant à elle sur la technique du saut d’exon, qui permet de modifier la maturation naturelle de l’ARN de dystrophine et d’obtenir là encore une protéine fonctionnelle, en utilisant des fragments d’acide nucléiques antisens. Ces fragments peuvent eux aussi être transportés par un vecteur viral AAV : c’est le traitement AAV-U7. Des essais cliniques vont démarrer pour évaluer ces deux approches chez l’homme, après des résultats très encourageants obtenus chez l’animal. Encourageants oui, mais avec des limites. 

Prétraiter les patients

L’une d’entre elles, majeure, est la perte importante de vecteur viral dans les jours et les semaines qui suivent l’injection, en raison de la mauvaise forme des cellules musculaires censées les héberger pendant plusieurs années. « L’absence de dystrophine chez les malades entraine des lésions des membranes des fibres musculaires qui provoquent la perte du vecteur et des séquences thérapeutiques qu’il contient avant qu’il n’ait eu le temps de produire de la dystrophine fonctionnelle, clarifie Stéphanie Lorain, responsable de ces travaux. Or, une seule injection de vecteur AAV est possible car il est immunogène et déclenche un réveil immunitaire qui entrainerait son rejet rapide en cas de seconde administration ».

Pour empêcher ce phénomène de se produire, les chercheurs ont eu l’idée de faire produire de la dystrophine par les cellules musculaires avant d’administrer la thérapie génique. Pour cela, ils ont utilisé une molécule nommée PPMO, développée à l’université d’Oxford. Injectée directement dans le muscle, elle permet également la production d’une protéine fonctionnelle grâce au saut d’exon. Cette production est efficace, mais transitoire, ce qui répond exactement à l’objectif recherché ! 

Prolonger l’effet de la thérapie génique pendant plusieurs années

Les chercheurs ont donc testé, chez des souris, l’association d’un prétraitement avec ce PPMO et, dans un second temps, d’une thérapie génique par saut d’exon. Pour cela, ils ont procédé à une injection intramusculaire de PPMO puis, deux semaines après, à l’injection du vecteur AAV-U7 : Une expérience couronnée de succès ! Le PPMO a permis de restaurer la production de dystrophine à hauteur de 80% pendant plusieurs jours et ce phénomène a multiplié par dix le bénéfice de la thérapie génique, pendant au moins six mois. « Il y a véritablement une synergie entre ces deux traitements. L’administration de PPMO permet la production de dystrophine, qui elle-même permet le maintien du vecteur viral dans les cellules, à haute dose et à long terme. Cette combinaison devrait permettre de prolonger l’effet de la thérapie génique pendant plusieurs années », estime Stéphanie Lorain. 

Les chercheurs sont en train de tester ce protocole en injection systémique plutôt qu’en injection musculaire locale, afin de vérifier le bénéfice du prétraitement par les PPMO sur le traitement AAV-U7 dans tous les muscles de l’organisme. Ils vont également mieux évaluer son bénéfice avec un autre modèle animal plus sévèrement atteint, « un modèle plus proche de la maladie telle quelle se manifeste chez les patients », clarifie Stéphanie Lorain. Si les résultats se confirment, le développement se poursuivra chez l’homme. En espérant à terme des résultats concluants pour les patients. 

Note :

* Unité 974 Inserm/CNRS/université Pierre et Marie Curie/AIM, Institut de myologie, Paris 

Source :

C. Peccate et coll. Antisense pre-treatment increases gene therapy efficacy in dystrophic muscles. Hum Mol Genet, édition en ligne du 4 juillet 2016