Maladie de Parkinson, le coupable est démasqué

Injectée en petites quantités dans le cerveau d’animaux, la forme « malade » d’une protéine nommée α‑synucléine déclenche à elle seule la neurodégénérescence associée à la maladie de Parkinson. C’est ce que viennent de démontrer des chercheurs de l’Inserm.

Voilà une piste, une vraie, pour lutter contre la maladie de Parkinson. Des chercheurs de l’Institut des maladies neurodégénératives de Bordeaux, en collaboration avec des équipes espagnoles, viennent de montrer qu’une protéine présente sous la forme d’agrégats dans le cerveau des malades est capable, à elle seule, de déclencher et de propager la pathologie neurodégénératives chez l’animal.

Cette protéine, l’α‑synucléine, est naturellement présente chez les sujets sains, mais pas sous sa forme agrégée. Elle était déjà soupçonnée de jouer un rôle important dans la maladie de Parkinson pour deux raisons : 1- On la retrouve en grande quantité, sous sa forme agrégée, dans des amas protéiques typiques de la pathologie (les corps de Lewy). 2- Dans les formes familiales de la maladie, le gène muté est celui codant pour cette protéine. Par ailleurs, plusieurs études ont montré que l’α‑synucléine agrégée est toxique pour les neurones, aussi bien in vitro qu’in vivo.

De la protéine à la maladie

Dans le cadre de cette nouvelle étude, les chercheurs ont tout d’abord prélevé de l’α‑synucléine dans le cerveau de patients décédés qui avaient donné leur corps à la science. Les protéines obtenues ont été purifiées puis injectées dans le cerveau de souris et de macaques, au niveau du striatum (la région siège de la maladie de la maladie de Parkinson). 

Les résultats sont éloquents : après quatre mois chez les souris et neuf mois chez les singes, les chercheurs ont observé une dégénérescence des neurones dopaminergiques, typique de la maladie de Parkinson. Cette neurodégénérescence n’a fait que progresser au cours du suivi. Quatorze mois après l’injection, l’étude du cerveau des animaux a montré que leurs propres protéines α‑synucléines s’étaient agrégées entre elles et que ces agrégats s’étaient propagés dans des aires cérébrales distantes du striatum. « En injectant dans le cerveau de ces animaux de petites quantités de protéines humaines malades (de l’ordre du picogramme), nous avons déclenché la maladie de Parkinson. C’est la preuve que cette protéine est bien le responsable de la pathologie, estime Benjamin Dehay*, co-auteur des travaux. En outre, nous avons montré qu’elle agit selon un mécanisme de type prion, tel que celui impliqué dans la maladie de Creutzfeld Jacob : La protéine malade administrée induit un changement de conformation des protéines α‑synucléines de l’hôte et le phénomène se propagent de neurones en neurones, entrainant des dysfonctionnements puis la dégénérescence des cellules », décrit-il. 

Des cibles thérapeutiques

Reste à vérifier que ces résultats sont bien transposables à l’Homme. Néanmoins, de nombreux espoirs thérapeutiques découlent de ces travaux. « Nous pouvons supposer qu’en bloquant l’agrégation de cette protéine, ou en augmentant sa dégradation, nous pourrons prévenir la maladie, estime le chercheur. Néanmoins, il faudra intervenir très en amont, avant que les agrégats ne gagnent différentes aires cérébrales et ne soient trop diffus », explique Benjamin Dehay. 

Les chercheurs disposent déjà de quelques pistes pour identifier des cibles thérapeutiques permettant d’y parvenir : « Un anticorps anti-α-synucléine est actuellement à l’étude. Par ailleurs, les données dont nous disposons nous permettent de supposer que l’agrégation de la protéine se déroule comme celle d’un prion. Cela devrait faciliter l’identification des caractéristiques moléculaires de ce phénomène, illustre-t-il. Nous rentrons dans une phase extrêmement active pour découvrir des traitements qui s’attaquent enfin aux mécanismes de la maladie, et non plus seulement à ses symptômes », conclut le chercheur. 

Note :
*Unité 5293 Inserm / Cnrs, Institut des maladies neurodégénératives (IMN), Université Victor Segalen, Bordeaux 

Source :
A. Recasens et coll., Lewy Body extracts from Parkinson’s Disease Brains trigger α‑Synuclein Pathology and Neurodegeneration in Mice and Monkeys. Ann Neurol, édition en ligne du 16 novembre 2013