Le lien entre odorat et santé progressivement décodé

Chaque molécule odorante volatile se lie à de nombreux récepteurs olfactifs au niveau des narines, générant un réseau complexe d’informations. En outre, certaines d’entre elles présentent des similitudes avec des molécules capables d’interagir avec des protéines impliquées dans le métabolisme. La description des liens entre odorat et santé progresse.

© Inserm, Deloulme, Jean-Christophe/Jany, Marion Coupe du bulbe olfactif

Un vaste réseau de récepteurs olfactifs situés dans la couche de cellules qui tapissent les narines traite différemment chaque odeur. C’est ce que montrent des chercheurs Inserm qui ont dressé une carte virtuelle de ces réseaux. Pour cela, ils ont intégré et analysé des centaines d’études sur les associations entre des molécules odorantes et leurs interactions avec ces récepteurs. 

Cet exercice ambitieux avait un objectif : mieux comprendre comment fonctionne le système olfactif à partir de données déjà publiées solides mais éparses. « Nous savions que pour une senteur donnée, plusieurs individus évoquent des notes odorantes différentes, plus ou moins fruitées, agréables... Nous suspections donc qu’une molécule odorante pouvait se lier à plusieurs récepteurs olfactifs avec l’un d’entre eux majoritaire », explique Olivier Taboureau*, co-auteur des travaux. Cette notion, associée aux données disponibles sur les interactions entre des molécules odorantes et les quelques 400 types de récepteurs olfactifs de l’organisme, a permis aux auteurs de dresser une carte prédictive des récepteurs activés pour une odeur donnée. Le schéma obtenu montre un réseau de points plus ou moins gros, reliés entre eux, illustrant l’importance du recrutement des récepteurs impliqués dans la reconnaissance d’une odeur donnée. 

Pour vérifier leur modèle, les chercheurs ont ensuite demandé à une équipe de l’Inra de Dijon de le tester in vitro. En laboratoire, les chercheurs ont exposé des molécules odorantes à des récepteurs olfactifs et ont regardé auxquels elles se liaient. En comparant les résultats obtenus à ceux prévus par le programme, ils ont été agréablement surpris par la convergence des résultats. 

Influence possible des odeurs sur des fonctions métaboliques

Mais leurs travaux ne s’arrêtent pas là. Compte tenu de l’association entre la modification ou perte d’odorat et certaines maladies (notamment Alzheimer), la même équipe Inserm a dans un second temps évalué les interactions possibles entre ces molécules odorantes et l’organisme. Pour cela, ils ont tout simplement comparé leur structure avec celle de plus d’un million de molécules chimiques déjà connues interagissant avec des protéines du corps. 

Ce travail leur a permis de constater que quatre molécules odorantes retrouvées dans des fruits, plantes, et additifs alimentaires pouvaient interagir avec les récepteurs 1 aux cannabinoïdes et les récepteurs nucléaires PPARd, impliqués dans le métabolisme, notamment dans la satiété. « Ces résultats suggèrent un effet possible de certaines molécules olfactives sur la satiété. Une hypothèse qui reste à démontrer », résume Olivier Taboureau. « Ce travail, assez fondamental à ce stade, permet de mieux comprendre le fonctionnement du système olfactif et permettra, sans doute, dans un second temps de décrypter les mécanismes associant certaines maladies et l’odorat », conclut le chercheur. 

Note

*unité 973 Inserm/Université Paris Diderot, Paris 

Source

K. Audouze et coll. Identification of Odorant-Receptor Interactions by Global Mapping of the Human Odorome. PLoS ONE 9(4): e93037. doi:10.1371/journal.pone.0093037