IL-38 : un nouvel angle d’attaque contre les maladies inflammatoires articulaires ?

Parmi toutes les cytokines modulant l’immunité et l’inflammation, l’IL-38 pourrait constituer un candidat médicament dans les rhumatismes inflammatoires. Mais avant de passer de la théorie à la pratique, les données obtenues chez l’animal devront être complétées et le rôle de l’IL-38 mieux compris...

Polyarthrite rhumatoïde, rhumatisme psoriasique, spondyloarthrite… toutes ces maladies articulaires ont un point commun : un phénomène auto-immun et/ou auto-inflammatoire qui peut engendrer la destruction du tissu cartilagineux et osseux. Les cytokines, qui sont des protéines régulatrices du système immunitaire, sont impliquées dans ces processus. Et l’une d’elles, l’interleukine IL-38, pourrait constituer une nouvelle piste thérapeutique. Des essais conduits chez la souris ont en effet montré que l’injection intra-articulaire d’IL-38 réduisait l’inflammation au sein de l’articulation. 

Rhumatisme psoriasique et spondyloarthrites en première ligne

On compte aujourd’hui 39 interleukines, numérotées dans l’ordre de leur découverte. L’IL-38 est donc l’une des plus récentes d’entre elles. « Certaines cytokines sont plutôt pro-inflammatoires, d’autres anti-inflammatoires, et leur poids respectif dans le phénomène global diffèrent selon les composés, explique Frédéric Blanchard* qui a conduit l’étude. La place et le rôle de l’IL-38 ne sont pas encore entièrement compris. Mais des travaux portant sur la souris ont montré l’importance de l’IL-38 dans la phase de résolution de l’inflammation. Nous avons donc voulu savoir si augmenter sa concentration au sein de l’articulation pouvait réduire l’inflammation ».

Pour cela, les chercheurs ont utilisé trois types de modèle animal : des souris ayant développé des anticorps auto-immuns dirigés contre les constituants de l’articulation, des souris normales chez lesquelles ce type d’anticorps étaient directement injectés et des souris normales chez lesquelles l’inflammation articulaire était provoquée par un composé chimique. Ces trois groupes d’animaux ont ensuite reçu une injection de vecteurs viraux contenant le gène de l’IL-38. Résultat : l’inflammation diminuait dans les deux premiers modèles. Dans le dernier, l’IL-38 ne semblait pas efficace. 

Le chercheur analyse : « le recours à plusieurs modèles murins visait à mieux comprendre les mécanismes immunitaires sous contrôle de l’IL-38″. Le premier des trois permettait d’observer l’action de la cytokine sur l’ensemble de la réaction immunitaire. Le deuxième permettait d’étudier uniquement son rôle sur l’immunité dite innée et d’écarter le volet de l’immunité adaptatrice. En d’autres termes, « notre approche a permis d’identifier les cellules par le biais desquelles IL-38 joue son rôle anti-inflammatoire ». Si l’absence d’efficacité dans le troisième modèle animal a constitué une déception, « elle nous permet néanmoins de supputer que le rôle de l’IL-38 est différent selon les maladies articulaires inflammatoires et que seules certaines d’entre elles pourraient être soulagées par cette cytokine ». Au vu de l’ensemble des résultats, les chercheurs penchent préférentiellement vers le rhumatisme psoriasique ou les spondyloarthrites. Dans ces expérimentations, l’IL-38 réduisait de manière préférentielle les cytokines dépendantes des lymphocytes Th17 dont on connaît l’importance dans les spondyloarthrites ». C’est donc dans cette pathologie, et dans le rhumatisme psoriasique que les chercheurs pensent pouvoir attendre un bénéfice thérapeutique potentiel 

Du gène à la forme active de la cytokine

« Avant d’envisager une telle application, il faudra compléter ces travaux pour comprendre parfaitement le mécanisme d’action et les cibles qu’utilise IL-38 pour agir. Ensuite, il faudra tester l’approche dans un modèle animal adapté aux maladies que l’on souhaite cibler ». C’est seulement après qu’un usage thérapeutique pourra être envisagé. « Comme les autres cytokines de la même famille, l’IL-38 est produite sous une forme inactive, qui doit ensuite être clivée pour devenir active. Dans ces expérimentations, nous avons utilisé un vecteur viral permettant l’expression de son gène et la maturation de la protéine car nous ne connaissons pas exactement la forme active et mature de l’IL-38. Mais cette approche ne peut être utilisée chez l’homme ». Une forme active de la cytokine devra être utilisée. L’enjeu est important : « au-delà de l’inflammation, ces maladies exposent à des destructions articulaires définitives, complète Benoît Le Goff* qui a co-dirigé ce travail. Si, chez l’animal, le gène n’a pas pu limiter ces dernières, c’est peut-être parce que sa production était insuffisante. Utiliser directement une forme active de la cytokine pourrait améliorer son efficacité « . Ce qui permettrait aux malades de disposer d’une nouvelle alternative en cas de réponse insuffisante ou d’échappement aux traitements actuels de ces pathologies… 

Note :

* unité 1238 Inserm/Université de Nantes, Faculté de médecine, Nantes 

Source :

Boutet MA et coll. IL-38 overexpression induces anti-inflammatory effects in mice arthritis models and in human macrophages in vitro. Annals of the Rheumatic Diseases, édition en ligne du 13 mars 2017 pii : annrheumdis-2016–210630. D Ummarino, IL-38 promotes anti-inflammatory effects. Nature Reviews Rheumatology édition en ligne du 6 avril 2017 doi:10.1038/nrrheum.2017.55