IDO : une nouvelle cible thérapeutique dans le syndrome métabolique

L’indoléamine 2, 3‑dioxygénase (IDO) est une enzyme surexprimée chez les personnes atteintes d’obésité, de diabète ou encore d’hypercholestérolémie. Une série d’expériences menées chez la souris indique que son activité, associée à un microbiote intestinal particulier, serait directement responsable de l’apparition de ces troubles.

L’IDO (pour indoléamine 2, 3‑dioxygénase) pourrait bientôt faire parler d’elle dans la lutte contre les maladies cardiovasculaires. En situation normale, cette enzyme participe aux fonctions biologiques en dégradant le tryptophane, un acide aminé essentiel, ou encore en régulant des populations de lymphocytes T. Mais lorsqu’elle est surexprimée, elle précipite la survenue de troubles métaboliques : obésité ou encore diabète. Dès lors, elle pourrait constituer une nouvelle cible thérapeutique. 

Tout est parti de plusieurs observations effectuées par une équipe Inserm du Centre de recherche cardiovasculaire* (Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris). Exprimée par différents types cellulaires et en particulier par les macrophages, l’IDO est présente en plus grande quantité et elle est plus active chez les personnes présentant des maladies cardiovasculaires. De plus, une élévation de son taux est corrélée à un mauvais pronostic pour les patients. Enfin, son expression augmente en cas d’inflammation, une réaction du système immunitaire notamment associée à l’obésité. Les chercheurs se sont donc demandés si, sous l’effet d’une inflammation systémique, l’IDO pouvait être un déterminant commun des maladies cardiovasculaires et de l’obésité. Et si oui, comment et pourquoi ? 

Pour en savoir plus, les chercheurs ont soumis des souris à un régime riche en graisse. Ils ont confirmé que leur prise de poids s’accompagnait d’une augmentation de l’activité d’IDO dans le sang, mais aussi dans les muscles, le tissu adipeux ou encore dans les intestins. En procédant à la même expérience chez des souris rendues déficientes en IDO, ils ont constaté que ces dernières étaient protégées de l’obésité et de ses complications (résistance à l’insuline, stéatose hépatique, etc). Ils ont ensuite constaté que, chez les animaux obèses, l’IDO était exprimée non seulement par les macrophages, mais aussi par d’autres types de cellules (non myéloïdes), notamment des cellules intestinales. 

Un lien entre activité d’IDO, flore intestinale et obésité

Compte tenu de la présence d’IDO dans les intestins et de l’influence du microbiote dans la survenue de l’obésité et du syndrome métabolique, les chercheurs ont exploré le lien entre ces différents facteurs. Ils ont constaté que l’enzyme, présente en plus grande quantité en cas d’obésité, dégradait davantage le tryptophane dans les intestins. Or, en conditions normales, cet acide aminé est utilisé par des bactéries locales pour la production de dérivés indoles, des régulateurs de l’inflammation. Les auteurs ont constaté une corrélation directe entre un déficit en dérivés indoles et la survenue de l’obésité. Cet événement est par ailleurs associé à une modification de la flore intestinale, en particulier une modification du rapport Firmicutes/Bacteroïdes. Les chercheurs en ignorent la raison, mais cette observation est très importante sur le plan clinique : un transfert de flore fécale d’une souris chez qui l’IDO a été inactivée vers une souris « normale » gavée, protège en effet cette dernière de l’obésité.

Enfin, les auteurs ont validé un certain nombre de ces données chez l’humain, notamment une augmentation de l’activité d’IDO et un déficit en dérivés indoles chez les sujets présentant un syndrome métabolique. 

« Nous avons découvert une association directe entre la quantité et l’activité d’IDO dans l’organisme, en particulier au niveau des intestins, et le phénotype d’obésité et de résistance à l’insuline. Le microbiote intestinal semble jouer un rôle important qui reste à clarifier. En attendant, l’IDO se présente bel et bien comme une cible thérapeutique pour prévenir ou lutter contre l’obésité et ses complications. L’une de nos expériences montre qu’administrer aux souris un inhibiteur d’IDO par voie orale améliore leur métabolisme. Or, il existe un inhibiteur d’IDO dont la sécurité a déjà été évaluée au cours d’un essai clinique. Bien que son utilisation dans le traitement du cancer ne semble pas concluante, il pourrait être rapidement testé dans cette nouvelle indication », conclut Soraya Taleb*, responsable de ces travaux. 

Note

*unité 970 Inserm/Université Paris Descartes, équipe Immunité innée et adaptative dans les pathologies vasculaires, Paris – Centre de recherche cardiovasculaire, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris 

Source

L Laurans et coll. Genetic deficiency of Indoleamine 2, 3‑dioxygenase promotes gut microbiota-mediated metabolic health. Nat Med, édition du 25 juin 2018