GLP‑1, un futur biomarqueur diagnostique de l’infarctus intestinal ?

Urgence absolue, l’infarctus mésentérique est méconnu et souvent sous-estimé car il est difficile à diagnostiquer. En cherchant à mieux comprendre certaines voies de régulation biologique, des chercheurs ont découvert que le GLP‑1, jusqu’à présent connu comme médiateur régulant la glycémie, est produit de façon rapide et intense dans un modèle proche de l’infarctus du mésentère. La perspective d’un nouvel outil diagnostique doit maintenant être confirmée.

Le manque de spécificité des symptômes liés à l’infarctus intestinal explique que sa prise en charge soit parfois retardée. Disposer d’un biomarqueur diagnostique permettrait d’intervenir plus tôt et de sauver de nombreuses vie. 

Le GLP‑1 (glucagon-like peptide-1) est un peptide sécrété par les cellules endocrines de l’intestin après une prise alimentaire ; son rôle dans la régulation du métabolisme glucidique est aujourd’hui bien décrit. Cependant, sans que l’on ne comprenne parfaitement le mécanisme sous-jacent, il a aussi été observé que le taux de GLP‑1 augmente lorsque certains composants bactériens, les lipopolysaccharides (LPS), parviennent à franchir la barrière intestinale. A Dijon, une équipe* de chercheurs s’est intéressée à ce phénomène. Elle a décrit le lien direct entre l’augmentation de l’exposition aux LPS et celle du taux de GLP‑1, en cas de lésions intestinales. Ce décryptage pourrait avoir une mise en application inespérée : en effet, la muqueuse intestinale entre rapidement en souffrance durant l’infarctus mésentérique. Elle serait alors incapable d’assurer sa fonction barrière, et serait facilement franchie par les LPS produits par la flore bactérienne locale, déclenchant une augmentation de la sécrétion de GLP‑1.

Vers une réduction de la mortalité liée à la maladie

« L’enjeu est plus important qu’il n’y paraît, insiste Jacques Grober qui a conduit ses travaux. L’infarctus mésentérique est méconnu car il est moins fréquent que celui qui touche le cœur, avec 0,1% des hospitalisations qui y seraient liées. Mais les chiffres sont alarmants puisqu’on déplore 60 à 80 % de décès dans les 24 heures liés à cette urgence ». En cause, le retard au diagnostic : « L’ischémie intestinale se manifeste surtout par des douleurs abdominales intenses, mais peu spécifiques, et il n’existe aucun moyen de la diagnostiquer de façon précoce ». Repérer la pathologie plus rapidement permettrait de la prendre en charge plus tôt et d’offrir un meilleur pronostic. Et le GLP‑1 pourrait être la solution. 

Les chercheurs ont d’abord mis en évidence, chez l’animal, que le GLP‑1 était fortement et rapidement libérée dans la circulation sanguine en cas de lésion de la muqueuse, puis en cas d’ischémie intestinale où le manque d’oxygène induit rapidement des lésions. Ils ont ensuite observé que ce phénomène était déclenché par les LPS produits par certaines bactéries intestinales, devenus capables de pénétrer l’épithélium en cas de lésions. Enfin, ces observations ont été confirmées chez l’homme, à travers deux séries d’expérimentation, l’une ayant consisté à injecter de petites concentrations de LPS dans le sang de volontaires sains, l’autre ayant décrit l’augmentation du taux de GLP‑1 en situation ischémique intestinale transitoire. 

Ces résultats constituent une première étape vers l’utilisation du GLP‑1 à des fins diagnostiques. Auparavant, deux principales questions devront être résolues : la première, très pratique, permettra de déterminer quelles sont les valeurs normales de ce biomarqueur. « Étant lié au métabolisme glucidique, il faudra conduire toute une série d’analyses pour apprécier les valeurs seuil de GLP‑1 à utiliser pour diagnostiquer l’infarctus, selon que le patient est à jeun ou non, ou selon qu’il est ou non diabétique, par exemple ». La seconde est plus fondamentale, mais tout aussi importante : quelle est la raison pour laquelle un médiateur de l’homéostasie glucidique est sous l’influence d’un composant infectieux ? Sur ce point, Jacques Grober a une hypothèse : celle du le rôle émergent du GLP‑1 dans les mécanismes inflammatoires, décrit récemment dans la littérature. Ce biomarqueur n’a, semble-t-il, pas encore livré tous ses secrets…. 

Note

* unité 1231 Inserm/Université de Bourgogne Franche-Comté/Agro Sup Dijon, Lipides – Nutrition – Cancer (LNC), Dijon 

Source

Lebrun LJ et coll. Enteroendocrine L Cells Sense LPS after Gut Barrier Injury to Enhance GLP‑1 Secretion. Cell Reports 21, 1160–1168, October 31, 2017. https://doi.org/10.1016/j.celrep.2017.10.008