Ebola : les restrictions de transport n’empêchent pas la diffusion du virus

Les suppressions de vols ou la fermeture de frontières ne font que retarder de quelques jours à quelques semaines l’arrivée du virus Ebola dans les pays qui ne sont pas concernés par l’épidémie en cours. Telles sont les conclusions d’une équipe de chercheurs qui étudient la diffusion des maladies infectieuses.

Trois semaines : c’est le délai supplémentaire avant l’arrivée d’un éventuel cas d’Ebola en Europe, obtenu grâce à la suppression de vols de trois compagnies aériennes en provenance ou à destination des pays d’Afrique de l’Ouest endémiques. Telle est la conclusion d’une équipe Inserm qui s’est essayée à cet exercice de simulation. Son objectif était d’évaluer l’impact des mesures de restrictions de transports et de voyageurs sur la diffusion globale du virus, entre août et septembre dernier, pour l’ensemble du monde. 

Les restrictions étudiées correspondent à des situations réelles de suppressions de vols par trois compagnies aériennes européennes, deux compagnies asiatiques et six africaines au cours du mois d’août 2014, ainsi que des mesures adoptées par 19 pays d’Afrique pour interdire l’accès de personnes provenant de pays endémiques ou encore imposer la fermeture totale des frontières. « Toutes ces informations étaient disponibles publiquement. Quand elles variaient d’une source à une autre, nous avons pris en compte la restriction le plus sévère pour obtenir l’impact le plus fort possible en terme de diffusion du virus », explique Vittoria Colizza, coauteur des travaux. Au final, les auteurs ont estimé que le trafic aérien entre les pays d’Afrique endémiques et l’Europe avait été réduit de 42% durant la période étudiée. Cette réduction est estimée à 10% pour l’Amérique du Nord, 41% pour l’Asie, 66% pour l’Océanie, 8% pour l’Amérique du Sud et 71% pour l’Afrique non endémique. 

Une diffusion retardée mais toujours possible

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© CDC/Frederick A. Murphy Virus Ebola

Les auteurs ont ensuite utilisé un modèle informatique de diffusion virale pour observer l’effet de ces mesures de restriction sur la propagation de la maladie à virus Ebola. Ce modèle tient compte de la distribution de la population humaine dans le monde, de la mobilité locale et internationale ainsi que des caractéristiques du virus Ebola lui-même : durée d’incubation, taux d’infection, probabilité et rapidité de l’infection aux différents stades de la maladie... 

Ils ont constaté que ces mesures ne font que retarder de quelques jours l’arrivée possible du virus dans les différents pays du monde : les restrictions telles que celles mise en œuvre en août et septembre 2014 accordent un délai supplémentaire de 22 jours en Europe, deux jours en Amérique du Nord, 27 jours en Océanie, 11 jours en Asie, 30 jours en Afrique et aucun en Amérique du Sud. Les pays à l’origine de ces mesures sont néanmoins ceux qui profitent le plus de ce délai. « Les restrictions aériennes internationales sont très controversées car elles ont un impact économique et logistique important, sans que leur effet sur la diffusion du virus soit bien évalué. Elles peuvent même priver les pays endémiques de certaines ressources pour lutter contre la maladie. L’Organisation mondiale de la santé et les Nations unies plaident en défaveur de ces mesures. Avec cette étude, nous avons voulu apporter des données chiffrées pour informer au mieux les décideurs, raconte Vittoria Colizza. Si un Etat souhaite empêcher l’importation du virus, alors fermer une frontière ne servira à rien. Par contre, cette mesure peut lui laisser le temps de s’organiser pour les soins à venir, illustre-t-elle. Pour limiter la diffusion globale, d’autres travaux montrent qu’une solution efficace est de lutter contre la transmission du virus au niveau local, à sa source, via une hospitalisation plus rapide des nouveaux cas ou encore via l’augmentation des capacités d’accueil en centres de soins », rappelle-t-elle.

Note

*unité 1136 Inserm/UMPC Paris 6, Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique, Paris 

Source

C. Poletto et coll. Assessing the impact of travel restrictions on international spread of the 2014 West African Ebola epidemic. Eurosurveillance, édition en ligne du 23 octobre 2014