E. coli contre S. aureus : une activité antibiotique inattendue

Des composés secrétés par certaines bactéries Escherichia coli sont capables d’inhiber la croissance de staphylocoques dorés multirésistants. Si l’enjeu de cette découverte est immense, purifier ces substances s’apparente pour l’instant à un véritable défi.

On croyait tout connaître sur la bactérie E. coli… et pourtant elle nous cachait un pouvoir inestimable, révélé par les chercheurs de l’équipe de Richard Bonnet* : le pouvoir de détruire les staphylocoques dorés multirésistants aux antibiotiques. Cette propriété concerne plus particulièrement les bactéries E. coli du phylum B2, décrites en 2006, présentant un îlot génomique appelé PKS, concourant à l’élaboration de différentes substances chimiques. 

Retour sur une découverte fortuite

C’est en s’intéressant à la fonction biologique propre de cet îlot que l’équipe de Richard Bonnet a eu la surprise de découvrir son activité sur Staphylococcus aureus« Outre leur implication potentielle dans la survenue du cancer colorectal, nous voulions comprendre le rôle intrinsèque de ces îlots génomiques » déclare le chercheur. Une première série d’expériences a testé l’hypothèse selon laquelle les E. coli qui possèdent un îlot PKS pourraient « éliminer » certaines bactéries de la flore intestinale. Faute de résultat probant, les chercheurs se sont tournés vers une autre piste, en étudiant l’activité de ces E. coli sur les staphylocoques dorés multirésistants. 

Une population de staphylocoques se développe uniformément autour des bactéries E. coli sans îlots génomiques (photo a). Un anneau noir correspondant à la zone d’inhibition de S. aureus est observé autour des bactéries dotées d’îlots PKS (photo b). La croissance de S. aureus est normale en présence de bactéries dans lesquelles a été délété un gène de l’îlot génomique, rendant ce dernier non fonctionnel (photo c).

L’expérience en elle-même a employé une méthodologie assez classique : à la façon de Flemming qui a découvert l’action destructrice de champignons producteurs de pénicilline sur ses cultures de staphylocoques, les chercheurs ont placé différents types de E. coli au contact de S. aureus. Le résultat est sans appel (voir figure) : la population de staphylocoques se développe uniformément autour des bactéries E. coli sans îlots génomiques (photo a), un anneau noir correspondant à la zone d’inhibition de S. aureus est observé autour des bactéries dotées d’îlots PKS (photo b) et enfin la croissance de S. aureus est normale en présence de bactéries dans lesquelles a été délété un gène de l’îlot génomique, rendant ce dernier non fonctionnel (photo c). 

Des perspectives intéressantes… Mais un défi énorme à relever

Avec la résistance développée par les staphylocoques face aux glycopeptides, antibiotiques de dernier recours, il est urgent de trouver de nouveaux antibiotiques capables d’inhiber la croissance de ces bactéries pathogènes. Les composés secrétés par les bactéries présentant des îlots génomiques pourraient comprendre de telles molécules. Reste à savoir si ces composés n’auront pas d’effets secondaires indésirables. 

Mais « le prochain challenge est de parvenir à purifier les composés en question » indique Richard Bonnet. « Jusqu’à présent les spécialistes du domaine n’y sont pas parvenus et c’est un défi pour les biochimistes » déclare-t-il. Un indice : l’inhibition de la croissance de S. aureus n’est obtenue qu’avec des bactéries E. coli PKS+ vivantes, ce qui suggère que les composés ont possiblement un problème de stabilité lorsqu’ils sont isolés et purifiés. « Nous ne sommes pas surs d’avoir trouvé la véritable fonction des îlots PKS, mais toujours est-t-il que l’activité anti S. aureus des bactéries les possédant est démontrée » conclut le chercheur. 

Note

*unité 1071 Inserm / Inra / Université Clermont Auvergne, Clermont-Ferrand) 

Source

T. Faïs et coll. Antibiotic activity of Escherichia coli against Multiresistant Staphylococcus aureus. Animicrob Agents Chemother, édition en ligne du 6 septembre 2016