La dégradation du plastique en mer mauvaise pour la santé ?

Les nanoparticules de polystyrène qui résultent de la dégradation naturelle du plastique modifient les propriétés des membranes cellulaires et donc l’activité de certaines protéines. Les chercheurs Inserm à l’origine de ces travaux souhaitent mobiliser la communauté scientifique pour étudier les conséquences possibles sur la santé humaine.

La dégradation des plastiques aurait-elle des conséquences sur la santé humaine et animale ? Les résultats de travaux menés par des chercheurs de l’Inserm relatifs à l’effet des nanoparticules de polystyrène sur des membranes cellulaires posent légitimement la question. Leurs résultats montrent en effet une modification des propriétés de ces membranes qui peut avoir un impact important sur l’activité des protéines qui les composent. 

Des tonnes de plastique en mer

La production annuelle de plastique a atteint 280 millions de tonnes en 2012 et continue de croître. Ce plastique, principalement utilisé dans les emballages, représente une part considérable des déchets dont une partie non négligeable se retrouve en mer. Or après des dizaines d’années de décomposition, ce plastique se retrouve sous forme de petites particules, et notamment de nanoparticules, dont les effets sur la santé sont encore inconnus. 

C’est pourquoi des chercheurs de l’Inserm ont décidé d’étudier l’effet des nanoparticules de polystyrène sur la membrane de nos cellules. 

Un modèle informatique ou « in silico »

Dans ce but, les chercheurs ont créé un modèle informatique de membrane cellulaire comprenant trois types de lipides présents en grandes quantités dans les membranes ainsi que des protéines. « Ce modèle est certes incomplet par rapport à une vraie membrane, constituée de centaines de molécules différentes. Mais il simule néanmoins correctement les propriétés basiques d’une membrane cellulaire, avec un aspect en peau de léopard, fait de zones jaunes souples et de zones noires plus rigides », décrit Luca Monticelli*, co-auteur de ces travaux. 

Les auteurs ont ensuite intégré des nanoparticules de polystyrène à ce modèle in silico pour en observer les effets. « Les nanoparticules de plastique sont très hydrophobes et présentent donc une forte affinité pour les lipides : une fois dans la membrane, elles s’y sentent bien et elles y restent », explique le chercheur. Et cette intrusion n’est pas dénuée de conséquences : les chercheurs ont en effet constaté une diminution de la vitesse de déplacement des protéines dans la membrane, un assouplissement de la structure globale et une stabilisation de domaines spécifiques appelés rafts. Ces domaines sont normalement mobiles et jouent un rôle dans de nombreux processus biologiques ainsi que dans certaines pathologies : des infections virales comme la grippe ou le sida, la maladie d’Alzheimer ou encore les maladies à prions comme Creutzfeldt-Jacob. 

Étudier les effets sur la santé

Ainsi, ce modèle d’étude indique que les nanoparticules de polystyrène seraient capables de modifier les propriétés des membranes et d’affecter l’activité des protéines membranaires ainsi que leur fonction. Les chercheurs entendent maintenant vérifier si ces modifications ont un impact sur la santé humaine et sur l’environnement. « Il nous faut pour cela mobiliser la communauté scientifique et obtenir les moyens pour étudier le niveau d’imprégnation en nanoparticules de différentes populations ainsi que leurs effets sur la santé », précise le chercheur. 

Note
*unité 665 Inserm/Université Paris Diderot, Paris 

Source
G. Rossi et coll. J. Phys. Chem. Lett., édition en ligne du 19 décembre 2013, doi : 10.1021/jz402234c