Coup de jeune pour les chimiothérapies

Les anthracyclines, médicaments de chimiothérapie les plus utilisés en cas de cancer, agissent non seulement en détruisant les cellules tumorales mais aussi en stimulant de façon indirecte le système immunitaire des patients. Une équipe de l’Inserm vient de décrire un des mécanismes mis en jeu et propose de l’utiliser pour améliorer l’efficacité de ces traitements.

inserm 50446 medium
© Inserm, P. Latron Patient sous perfusion en chambre de soin, CIC 9301 hôpital cardiologique de Lille.

Améliorer l’efficacité de médicaments anti-cancéreux déjà anciens est encore possible ! Suite à la découverte d’un nouveau mécanisme d’action des anthracyclines, les molécules les plus utilisées en chimiothérapie, une équipe de l’Inserm* propose de nouvelles pistes. 

Les anthracyclines sont directement toxiques pour les cellules en division telles que les cellules cancéreuses. Mais il s’avère qu’elles déclenchent en outre une réaction immunitaire locale, permettant de stimuler les défenses immunitaires du patient. Au moins deux mécanismes expliquant ce phénomène ont déjà été décrits par cette même équipe, qui lève aujourd’hui le voile sur un troisième d’entre eux. 

Les anthracyclines, piliers de la prise en charge

« La chimiothérapie reste le pilier de la prise en charge des cancers. L’arrivée de traitements ciblés concernant certains patients fait beaucoup parler, mais les molécules plus anciennes, comme les anthracyclines, sont et seront encore massivement utilisées. C’est pourquoi, depuis près de dix ans, nous essayons de décrypter les mécanismes d’action de ces médicaments », explique Laurence Zitvogel, co-auteur des travaux. Et les chercheurs ont énormément progressé dans cette connaissance : « nous avons montré que les cellules cancéreuses meurent de façon immunogène, explique-t-elle. Cela signifie qu’en se dégradant, elles émettent plusieurs signaux qui activent le système immunitaire local et le rendent plus efficace contre la tumeur ». Les chercheurs ont par exemple décrit l’expression de calréticuline à la surface des cellules cancéreuses agressées, ou encore le relargage d’un facteur nommé HMGB1, qui permettent une meilleure reconnaissance des cellules tumorales par le système immunitaire. 

Un troisième signal immunogène

Cette fois, les chercheurs montrent qu’en se dégradant, les cellules cancéreuses émettent un troisième signal qui permet de recruter les cellules dendritiques sur le site de la tumeur, « les seules cellules du système immunitaires vraiment capables d’éduquer les lymphocytes T pour qu’ils luttent contre les cellules cancéreuses », clarifie la chercheuse. « Ces dernières meurent sur un mode autophagique, c’est-à-dire qu’elles digèrent leurs propres compartiments cellulaires. Cela génère de l’énergie sous forme de molécules d’ATP qui sont libérées dans le milieu extracellulaire. Cet ATP mobilise au moins trois types de cellules qui murissent et se différencient en cellules dendritiques fonctionnelles », décrit-elle. 

Deux pistes thérapeutiques

En empêchant la dégradation de cet ATP extracellulaire, les chercheurs sont parvenus à renforcer l’effet des anthracyclines contre au moins trois types de tumeurs chez la souris : des cancers du sein, du côlon et des sarcomes. La piste est si intéressante que deux anticorps dédiés à cet effet sont déjà à l’étude. « Nous envisageons d’associer chimiothérapie et immunothérapie pour améliorer l’efficacité de ces médicaments, explique Laurence Zitvogel. Bloquer l’activité des enzymes de dégradation de l’ATP, ou injecter des cellules dendritiques directement au site tumoral chez des patients en déficit d’ATP, permettrait de renforcer la réponse immunitaire antitumorale », prévoit-elle. 

Note
Unité 848 Inserm/Université Paris Sud – Paris 11/Institut Gustave Roussy, « Apoptose, cancer et immunité », Villejuif. 

Source
Y. Ma et coll. Anticancer Chemotherapy-Induced Intratumoral Recruitment and Differentiation of Antigen-Presenting Cells. Immunity. Édition en ligne du 4 avril 2013