Cerveau : une fenêtre s’ouvre et se ferme pour réguler l’appétit

Une fenêtre présente entre le cerveau et le reste de l’organisme permet le passage de messagers issus de la circulation sanguine pour avertir le cerveau en cas de jeûne ou de trop plein alimentaire. Son mauvais fonctionnement pourrait expliquer certains comportements anormaux.

actu appetit page medium
© Vincent Prevot Figure artistique montrant le marquage des protéines de jonctions serrées (fluorescence verte) autour des corps cellulaires des tanycytes (fluorescence blanche) bordant le troisième ventricule, ainsi que des capillaires de la barrière hémato-encéphalique et des protéines de capillaires « fenestrés » c’est-à-dire perméables (fluorescence rouge).

Telle une fenêtre qui s’ouvre et se ferme en fonction des intempéries, celle que des chercheurs de l’Inserm* viennent de caractériser pourrait expliquer comment certains messages métaboliques provenant de la circulation sanguine arrivent jusqu’au cerveau pour réguler l’appétit.

Le cerveau travaille comme un quasi-ermite, se protégeant des échanges avec le reste de l’organisme grâce à une barrière dite « hémato-encéphalique », hermétique à de très nombreuses molécules du sang. Néanmoins, il perçoit certains signaux émis par le corps et véhiculés par des molécules circulantes, notamment par des molécules provenant des cellules adipeuses ou du pancréas lorsqu’il s’agit de réguler l’appétit. Vincent Prevot et ses collègues ont trouvé le site précis de passage de ces messagers et décrit son fonctionnement. 

Une fenêtre glucose-dépendante

Pour y parvenir, les chercheurs ont imposé un jeûne de 24 heures à des souris et des rats, puis ils ont observé par immunofluorescence et microscopie électronique une zone du cerveau impliquée dans la régulation des apports alimentaires : le noyau arqué-hypothalamique. Ils ont alors constaté que des cellules souches neurales appelées tanycytes, situées en périphéries de ce noyau, forment une barrière sensible à la concentration de glucose : en cas de baisse brutale de la glycémie, ces cellules se mettent à produire un facteur appelé VEGF qui déclenche l’ouverture de pores au niveau des vaisseaux, augmentant ainsi leur perméabilité et l’afflux de molécules du sang. Parmi ces molécules, certaines avertiront le cerveau de la nécessité de se réalimenter rapidement. 

« Nous savions qu’il y avait des échanges permettant la régulation de l’appétit au niveau de cette zone du cerveau, mais ignorions s’il y avait un contact direct entre le sang et le cerveau, explique Vincent Prevot. Ces travaux ont permis d’identifier clairement l’existence d’une fenêtre permettant le passage direct de molécules porteuses d’un message métabolique et d’identifier les mécanismes de ce passage », se réjouit-il. 

Au moins deux applications

Les auteurs ont en outre constaté que cette fenêtre s’ouvre non seulement en cas d’urgence à se réalimenter, mais également à des heures régulières au cours de la journée, permettant un accès facilité au cerveau. Chez la souris, ce phénomène s’observe le soir. Ce constat pourrait s’avérer particulièrement utile pour optimiser l’administration de certains médicaments destiné à agir au niveau du cerveau. 

D’autres travaux montrent que les échanges entre cerveau et périphérie sont altérés chez les patients obèses, contribuant certainement à déconnecter les apports alimentaires des sensations de satiété ou de plaisir : « Rétablir la plasticité de cette fenêtre contribuerait probablement à lutter contre cette maladie », suggère le chercheur. 

Note :
*Unité 837 Inserm/Université de Lille 2, Développement et plasticité du cerveau postnatal, Centre de recherche Jean-Pierre Aubert, Lille 

Source :
F. Langlet et coll. TanycyticVEGF-ABoostsBlood-Hypothalamus Barrier Plasticity and Access of Metabolic Signals to the ArcuateNucleus in Response to Fasting. Cell Metabolism du 2 avril 2013.