Les cellules cancéreuses meurent en silence

Quand elles meurent, les cellules cancéreuses libèrent trop peu d’énergie pour éveiller l’attention du système immunitaire ...

inserm_57875_medium
© Inserm/Mami-Chouaib, Fathia

Trop discrètes ! C’est l’un des défauts des cellules cancéreuses qui meurent sous l’effet d’une chimiothérapie. En effet, alors que ces cellules produisent beaucoup d’énergie de leur vivant (sous forme d’ATP), elles en libèrent extrêmement peu quand elles meurent. C’est dommage car de précédents travaux ont montré que le système immunitaire est attiré par des cellules qui relarguent une grande quantité d’énergie (en sus d’autres molécules), favorisant ainsi leur élimination. 

Dans les tumeurs, la libération de l’ATP par les cellules cancéreuses en train de mourir est malheureusement trop faible pour alerter le système immunitaire. Ce phénomène a intrigué une équipe de l’Inserm* qui a décortiqué les mécanismes de mort de ces cellules, pour comprendre pourquoi elles s’éteignent en silence. 

Phagocytose de corps apoptotiques de cellules tumorales IGR-Heu (lignée de cellules de carcinome du poumon humain) par des cellules dendritiques. Après irradiation des cellules tumorales IGR-Heu, les corps apoptotiques (rouge) ont été mis en présence de cellules dendritiques pendant 1 heure 30. On peut observer la localisation du marqueur lysosomal CD107a (vert) au niveau des corps apoptotiques présents dans les cellules dendritiques. 

Blocage du métabolisme énergétique

« La chimiothérapie déclenche des signaux d’apoptose (mort cellulaire) dans les cellules qui y sont sensibles, en particulier les cellules cancéreuses. Cela active des protéines de dégradation, certaines protéases, qui détruisent la cellule, explique Jean-Ehrland Ricci, coauteur de ces travaux. Nous nous sommes donc demandés si certaines de ces protéases, notamment les caspases, avaient un rôle dans la baisse de production d’énergie des cellules en apoptose », décrit-il. Pour répondre à cette question, son équipe a étudié le comportement de cellules cancéreuses cultivées in vitro et en présence d’agent de chimiothérapie, « en condition d’apoptose » vis-à-vis de la production d’énergie. Les scientifiques ont regardé si les caspases alors activées interféraient avec la principale voie de production d’ATP des cellules cancéreuses : la voie de la glycolyse, qui permet de convertir le glucose en énergie. « En l’absence de caspases, la glycolyse se poursuit. En revanche, en présence de ces protéines, la glycolyse est interrompue alors que le glucose continue à entrer dans la cellule », détaille Jean-Ehrland Ricci. « Nous n’avons pas identifié précisément la cible de ces caspases, mais une réaction bloque bien la production d’ATP, d’où une moindre libération d’énergie au moment de la mort des cellules cancéreuses », résume-t-il.

Eduquer le système immunitaire

« A terme, si nous parvenons à bien appréhender les mécanismes conduisant à cette diminution de la production d’énergie au cours de l’apoptose, nous pourrions envisager d’au contraire potentialiser celle-ci afin de stimuler le système immunitaire et de favoriser son recrutement et son action sur le site tumoral. Cela contribuerait à l’élimination de la tumeur », estime Jean-Ehrland Ricci. 

Note

*unité 1065 Inserm/université de Nice Sophia Antipolis, Centre méditerranéen de médecine moléculaire (C3M), Nice 

Source

LA Pradelli et coll. Cell Death Dis, 4 septembre 2014, 5:e1406