BPCO : pourra-t-on bientôt changer le cours de la maladie ?

Des chercheurs de l’Inserm travaillent au développement d’un médicament qui pourrait enfin permettre d’éviter l’inéluctable aggravation de la bronchopneumopathie chronique obstructive. En identifiant un mécanisme associé aux exacerbations de cette maladie chronique inflammatoire des bronches, les chercheurs ont en effet découvert une cible thérapeutique directement exploitable.

Voilà une piste thérapeutique qui pourrait « révolutionner » la prise en charge de la bronchopneumopathie chronique obstructive (ou BPCO). Le Pr Patrick Berger* n’y va pas par quatre chemins pour qualifier le potentiel de la découverte que vient de réaliser de son équipe au CHU de Bordeaux. Actuellement, cette maladie chronique des bronches ne peut être guérie. Les traitements disponibles sont symptomatiques, ne soulageant que transitoirement les patients, avec une efficacité modérée. Pourtant, la BPCO est une maladie extrêmement répandue dont le principal facteur de risque est le tabac. « En France, 75% des adultes sont des fumeurs ou des ex-fumeurs. Parmi eux, la moitié des individus présentent une BPCO même s’ils l’ignorent encore. D’ici 2030, il s’agira de la quatrième cause de mortalité dans le monde », détaille Patrick Berger. C’est dire si l’enjeu est de la taille. 

Étudier les exacerbations

La BPCO est caractérisée par une inflammation des bronches et un remodelage de celles-ci. Elle entraine une obstruction progressive des voies aériennes et des difficultés à respirer. Des exacerbations, c’est à dire une aggravation brutale des symptômes, surviennent chez 80% patients et aboutissent souvent à une hospitalisation et un sur-risque de mortalité dans les mois et les années qui suivent. C’est ce problème que les chercheurs ont voulu cibler. 

Dans deux autres maladies respiratoires, l’asthme et la fibrose pulmonaire, il existe une élévation de la concentration en fibrocytes, des cellules souches de la moelle osseuse qui passent dans le sang et viennent coloniser les régions inflammées, contribuant à l’aggravation de ces maladies. Dans le cas de l’asthme, ces cellules se différencient en cellules musculaires lisses (myocytes) qui accroissent les contractions des bronches. En cas de fibrose pulmonaires, les fibrocytes se différencient en fibroblastes (des cellules de soutien des tissus) et accentuent la fibrose. Les chercheurs se sont donc demandé si des fibrocytes n’étaient également impliqués dans les exacerbations de BPCO, contribuant à leur sévérité. 

Des fibrocytes atypiques à cibler

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© Inserm, L. Guillevin La pneumonie est une inflammation des poumons habituellement causée le plus souvent par un virus ou une bactérie. 

Pour en avoir le cœur net, ils ont analysé la concentration des fibrocytes circulant dans le sang de 65 patients concernés par une exacerbation bronchique, et suivi leurs capacités respiratoires pendant au moins deux mois. Ils ont procédé de même chez des individus montrant une BPCO stable sans exacerbation, ainsi que chez des sujets non atteints de BPCO. C’est ainsi qu’ils ont constaté une augmentation massive de la concentration en fibrocytes au cours des exacerbations associées à la BPCO. En fait, « plus la concentration en fibrocytes est élevée, plus le pronostic du patient est mauvais, constituant même un indice de mortalité à trois ans. En outre, plus la concentration des fibrocytes reste élevée dans les deux mois qui suivent l’épisode, plus le souffle est altéré », résume Patrick Berger. 

En regardant de plus près ces fibrocytes, les auteurs ont constaté qu’ils portaient deux récepteurs spécifiques à certaines chimiokines, des substances produites par l’organisme capables d’attirer les cellules dans le sang. « Ces fibrocytes semblent présenter une hypersensibilité à deux chimiokines qui provoquerait leur migration jusque dans les bronches au moment de l’exacerbation », explique le chercheur. Les mécanismes de cette migration sont à l’étude. Les auteurs tentent en outre de savoir si, une fois arrivés dans les bronches, ces cellules se différencient en myofibroblastes pour contribuer au remodelage des bronches et à l’aggravation de la maladie. 

Un médicament à l’essai

En attendant de clarifier ces points, l’association entre la migration des fibrocytes dans le sang des patients atteints de BPCO et le pronostic de leur maladie est suffisamment claire pour tenter d’enrayer ce phénomène. Les auteurs ont testé une molécule déjà sur le marché dans le cadre d’une indication hématologique (le plerixafor). Elle agit en bloquant un des récepteurs à chimiokines identifié à la surface des fibrocytes (CXCR4). Les résultats obtenus in vitro sont prometteurs et ont conduit les chercheurs à déposer un brevet pour protéger ces travaux. Un premier essai clinique pourrait prochainement démarrer. « Bloquer cette migration pourrait en effet, pour la première fois, changer l’histoire de la maladie », conclut le chercheur. 

Note

*unité 1045 Inserm/Université de Bordeaux, Centre de recherche Cardio-thoracique de Bordeaux 

Source

I. Dupin et coll. Journal of Allergy and Clinical Immunology, édition en ligne du 23 octobre 2015