L’attaque du greffon peu à peu démasquée

Un pas de plus dans la compréhension des mécanismes mis en jeu dans la réaction du « greffon contre l’hôte ». Des chercheurs de l’Inserm viennent d’identifier une des armes utilisées par les greffons pour attaquer les tissus de leur receveur : l’interleukine 22.

La réaction du greffon contre l’hôte n’aura-t-elle bientôt plus de secret pour les chercheurs ? Une équipe de l’Inserm vient de montrer qu’une cytokine produite par les cellules du donneur, l’interleukine 22, joue un rôle majeur dans ce processus en provoquant une inflammation au niveau des sites lésés. 

Une complication fréquente

La réaction du greffon contre l’hôte est la complication majeure qui peut survenir en cas de greffe de moelle osseuse chez les patients atteints de leucémie. Le greffon attaque différents tissus du receveur, au niveau du foie, des intestins ou encore de la peau. Les effets sont extrêmement délétères, menaçant le pronostic vital dans les cas les plus sévères. Cette complication surviendrait dans 30 à 50 % des cas et, à ce jour, rien ne permet de la prévoir. 

En attendant de découvrir des biomarqueurs utiles pour prédire ce risque, une équipe de l’Inserm progresse dans la description des mécanismes mis en jeu. 

Une inflammation médiée par l’interleukine 22

« Nous savions que les lymphocytes T et les cellules présentatrices d’antigènes sont impliquées dans cette réaction. Mais le rôle des cytokines présentes au niveau des sites lésés reste très mal connu, explique Béatrice Gaugler*, coauteur des travaux. Parmi elles, l’interleukine 22 paraissait particulièrement intéressante à étudier puisqu’elle possède des récepteurs spécifiques dans des tissus cibles de cette attaque, telles que des cellules de l’intestin ou de la peau », précise-t-elle. Les chercheurs ont donc testé son rôle en modélisant une attaque de greffon de moelle osseuse chez des rongeurs, avec des lymphocytes T déficients en interleukine 22. 

Une cible thérapeutique délicate

Les auteurs ont constaté que le délai de survie a triplé en l’absence d’interleukine 22. De plus, le score de sévérité de la réaction a été divisé par quatre, sans altérer le bénéfice de la greffe sur la leucémie. 

En poussant plus loin leurs recherches, les auteurs ont constaté que ce déficit en interleukine 22 induit la production de lymphocytes T régulateurs circulants, connus pour contrôler les phénomènes inflammatoires de l’organisme. « Cette interleukine apparaît déjà comme une cible thérapeutique potentielle. Elle possède néanmoins de nombreuses autres propriétés, dont certaines sont bénéfiques au niveau de l’intestin comme l’aide à la réparation des cellules épithéliales ou la protection contre des infections bactériennes. L’interleukine 22 pourrait aussi favoriser la reconstitution des lymphocytes T après greffe. Ainsi, si on souhaite l’inhiber, par exemple avec des anticorps monoclonaux, il faudra trouver le juste équilibre. Enfin, d’autres cytokines sont peut être également impliquées… C’est ce qu’il va falloir maintenant vérifier » conclut la chercheuse. 

Note : 
*UMR1098 Inserm / Université de Franche-Comté, « Interaction hôte-greffon-tumeur/Ingénierie cellulaire et génique », Établissement français du sang, Besançon 

Source :
M. Couturier et coll. IL-22 deficiency in donor T cells attenuates murine acute graft-versus-host disease mortality while sparing the graft-versus-leukemia effect. Leukemia, édition en ligne du 12 février 2013.