L’arme redoutable de Shigella

La bactérie Shigella, responsable de la dysenterie, interfère avec le système immunitaire de son hôte et l’empêche d’établir une protection efficace. Elle secrète pour cela des protéines qui bloquent la migration des lymphocytes T CD4, en particulier au sein des ganglions lymphatiques.

La bactérie Shigella flexneri, responsable de la dysenterie bacillaire, dispose d’une arme redoutable pour se maintenir chez son hôte : elle agit comme un immunosuppresseur, empêchant les lymphocytes T CD4 de migrer au sein des ganglions lymphatiques où ils doivent rencontrer les cellules présentatrices d’antigènes, chargées de leur communiquer la nature du pathogène à détruire. 

Plusieurs infections nécessaires

Les chercheurs de l’équipe mixte Inserm (U786)-Institut Pasteur avaient déjà montré que Shigella produit une trentaine de protéines qu’elle injecte dans les cellules de l’hôte grâce à un appareil de sécrétion dédié. Ces protéines effectrices, ou toxines, sont nécessaires à l’invasion des cellules de l’hôte et la multiplication de la bactérie. Néanmoins, la persistance de Shigella dans l’organisme infecté et la façon dont la bactérie parvient à déjouer le système immunitaire restaient énigmatiques. Il faut en effet plusieurs infections avant d’être protégé contre ce pathogène, ce qui n’est pas commun. 

Un mécanisme inédit

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Shigellose

De précédents travaux ont commencé à clarifier le mystère en montrant, in vitro, que l’une des protéines secrétées par la bactérie altère la mobilité des lymphocytes T activés. Les chercheurs à l’origine de cette découverte viennent de franchir une nouvelle étape dans la compréhension du phénomène, en montrant que la bactérie entraine bel et bien l’immobilisation des lymphocytes T CD4 in vivo.

Pour cela, les scientifiques ont marqué les lymphocytes T CD4 de souris infectées par Shigella à l’aide d’un fluorochrome, puis ils ont suivi l’évolution des cellules marquées au sein du ganglion. « La présence du pathogène rend les lymphocytes T incapables de migrer dans le sinus sous-cortical des ganglions lymphatiques, donc probablement d’aller se localiser dans les zones T où elles doivent rencontrer les cellules dendritiquesprésentatrices d’antigènes. Le pathogène empêche de ce fait la mise en place d’une réponse immunitaire adaptative optimale » explique Philippe Sansonetti, coauteur des travaux. Ce mécanisme inédit ouvre la voie à de nombreux autres projets, pour tenter d’en comprendre le fonctionnement et les conséquences sur les autres cellules de l’immunité. L’analyse de la fonction des protéines effectrices responsables sécrétées par Shigella devrait fournir des cibles thérapeutiques intéressantes » conclut-il. 

Source : 
W. Salgado-Pabon et coll. Shigella impairs T lymphocyte dynamics in vivo. Proc Natl Acad Sci USA, édition en ligne du 15 février 2013