Une cible méconnue des probiotiques aiderait à limiter la survenue de maladies métaboliques

En étudiant comment un mélange de bactéries probiotiques réduit la prise de poids de souris trop richement nourries, des chercheurs ont mis en évidence l’implication d’un récepteur nucléaire qui augmente la production intestinale d’acide biliaire, avec un effet bénéfique pour l’équilibre métabolique.

Un régime alimentaire riche en graisses favorise la prise de poids et l’apparition de maladies métaboliques telles que l’hyperlipidémie ou le diabète de type 2. Et si l’on sait aujourd’hui que la perturbation de la flore intestinale engendrée par une alimentation déséquilibrée joue un rôle dans cette évolution, tous les mécanismes sous-jacents ne sont pas encore identifiés. C’est pourquoi Hubert Vidal, directeur de recherche Inserm, et son équipe lyonnaise travaillent à décrypter les médiateurs moléculaires qui relient nutrition et maladies métaboliques. Pour ce faire, les scientifiques étudient notamment le rôle du microbiote intestinal. Ils cherchent en particulier à identifier des bactéries bénéfiques pour notre santé – appelées « probiotiques » – qui, seules ou combinées à un traitement médicamenteux, pourraient réduire le risque de développer ces maladies.

« Il est admis qu’un déséquilibre dans la composition du microbiote est associé à une augmentation de la perméabilité intestinale et à une diminution de la production locale d’acides gras à chaîne courte. Et ces anomalies sont considérées comme des causes de désordres métaboliques », explique Hubert Vidal. Pourtant, en évaluant sur des souris l’influence d’un mélange probiotique qui combine Bifidobacterium animalis et Lactobacillus gasseri, en collaboration avec la société Pileje, le chercheur a été surpris. Il a observé que les complications métaboliques secondaires à un régime riche en graisses étaient moins fréquentes chez les animaux qui avaient reçu ces probiotiques que chez les souris témoins, comme attendu. Mais cette protection n’était pas associée à un changement de la perméabilité intestinale, ni à la production d’acides gras à chaîne courte. « Cela nous a conduit à rechercher si d’autres voies de signalisation décrites dans la littérature pour avoir un rôle dans le métabolisme étaient impliquées dans l’effet bénéfique de ces probiotiques. »

Le rôle déterminant des acides biliaires

C’est ainsi que l’équipe lyonnaise a mis en lumière le rôle de la protéine FXR dans les cellules de l’intestin. FXR est un récepteur nucléaire, c’est-à-dire une protéine chargée de transmettre des signaux dans le noyau des cellules afin de moduler l’expression de gènes cibles. « Il s’avère que les probiotiques testés inhibent l’activité ce récepteur, ce qui entraîne une augmentation de la production d’acides biliaires dans l’intestin des souris. » À l’inverse, l’activation de FXR conduit à une réduction de la synthèse de ces acides. « Or ces composés, connus pour leur rôle important dans la digestion, assurent aussi des fonctions métaboliques déterminantes pour améliorer l’équilibre lipidique », précise le chercheur. Moduler l’activité de ce récepteur nucléaire pourrait donc aider à améliorer l’équilibre métabolique et peut-être même prévenir la survenue des maladies associées. De plus, « FXR est une des cibles de la metformine, un des traitements de référence du diabète de type 2 : cela conforte l’idée que cibler ce récepteur pourrait être une approche intéressante », ajoute Hubert Vidal.

La prochaine étape sera de tester l’administration de ces probiotiques chez l’humain. Mais d’autres pistes se dessinent, notamment avec la recherche de nouvelles souches bactériennes qui ont une activité sur FXR. Pour cela, le laboratoire a développé une méthode d’identification de bactéries candidates à l’aide de tests rapides réalisés chez la drosophile et chez la souris. Cette méthode a déjà permis à l’équipe d’identifier et de caractériser une nouvelle souche de bactéries du microbiote qui possède des propriétés antidiabétiques. Un brevet déposé avec Inserm transfert en 2023 protège cette découverte prometteuse.


Hubert Vidal est directeur de recherche Inserm dans l’équipe Alimentation et matrice alimentaire dans l’obésité : rôle du tractus intestinal et stratégies thérapeutiques innovantes (DO-IT) et directeur du laboratoire CarMeN (Cardiovasculaire, métabolisme, diabétologie et nutrition, unité 1060 Inserm/INRAE/Université Claude-Bernard – Lyon1).


Source : A. Beau et coll. Inhibition of intestinal FXR activity as a possible mechanism for the beneficial effects of a probiotic mix supplementation on lipid metabolism alterations and weight gain in mice fed a high fat diet. Gut Microbes, décembre 2023 ; doi : 10.1080/19490976.2023.2281015

Autrice : C. G.

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