Troubles du stress post-traumatique : la peur généralisée sous-tendue par un transporteur cérébral

Le trouble du stress post-traumatique affecte des personnes qui ont été exposées à des situations extrêmement stressantes. Il conduit à une altération de leur capacité à gérer leurs émotions et peut induire un sentiment de peur quasi permanent. Une équipe de recherche parisienne vient de montrer que, chez la souris, une protéine présente dans certains neurones des régions cérébrales impliquées dans la mémoire et la peur, le transporteur VGLUT3, pourrait jouer un rôle important dans ce trouble.

La protéine VGLUT3 pourrait bien être une nouvelle cible thérapeutique pour lutter contre l’apparition de peurs aversives généralisées, comme celles qui caractérisent les troubles du stress post-traumatique. Certaines personnes exposées à des situations particulièrement stressantes ou traumatisantes développent en effet une peur généralisée qui les tétanise dans des contextes a priori non anxiogènes. Ce phénomène constitue un handicap important, qui les conduit à modifier leurs habitudes et leurs comportements pour ne pas se retrouver quotidiennement paralysées par la peur. Leur prise en charge se fonde aujourd’hui sur des psychothérapies, souvent associées des médicaments (sédatifs, antidépresseurs, anxiolytiques) dont l’efficacité est cependant limitée. Disposer de traitements médicamenteux d’action plus spécifique pourrait changer la donne pour les patients. Et c’est précisément ce à quoi pourraient aboutir les travaux conduits par l’équipe de Stéphanie Daumas à l’Institut de biologie Paris-Seine.

Cette équipe est spécialisée dans l’étude des protéines VGLUT, des transporteurs qui permettent de faire pénétrer un neurotransmetteur, le glutamate, à l’intérieur des neurones. Parmi eux, VGLUT3 est atypique car il est exprimé par des neurones initialement décrits comme n’utilisant pas le glutamate pour communiquer avec les autres cellules nerveuses, ce qui interroge les chercheurs. Lors de précédents travaux, l’équipe a montré que des anomalies de son expression au niveau du striatum, une région du cerveau qui régule notamment la motivation et les impulsions, sont associées à des troubles psychiatriques tels que l’addiction ou encore l’anxiété. VGLUT3 est également exprimé dans un sous-groupe de neurones de l’amygdale et de l’hippocampe, deux régions impliquées dans le souvenir et la peur. Aussi, l’équipe a souhaité « disséquer » les différentes catégories de mémoire potentiellement affectées par l’absence de VGLUT3.

Pas de troubles de mémoire mais une peur irraisonnée

Pour cela, les chercheurs ont soumis à différents tests des souris qui présentaient ou non une déficience en VGLUT3. Lors des premières expériences, les animaux devaient simplement mémoriser des lieux ou des objets. À ces tâches, les souris déficientes en VGLUT3 ont fait aussi bien que les autres, de sorte que les chercheurs ont conclu à l’absence d’implication du transporteur dans des processus normaux de mémorisation. Dans un second temps, les chercheurs ont mis les animaux en situation de stress. Et là, le rôle de VGLUT3 s’est révélé déterminant. Il est apparu que lorsqu’ils reçoivent un choc électrique au niveau des pattes, les animaux dépourvus de VGLUT3 développent une peur généralisée. À la suite de cette expérience, ils étaient tétanisés face à n’importe quel nouvel environnement. « En labsence de VGLUT3, nous observons une potentialisation de la peur, un des symptômes du stress post-traumatique », clarifie Stéphanie Daumas. Autre observation importante, l’acquisition de cette peur généralisée est réversible : des expériences de dissociation de la peur et des situations vécues, sur le modèle des thérapies cognitivo-comportementales proposées aux patients, ont permis aux souris de retrouver un état émotionnel normal.

L’équipe cherche maintenant à comprendre le rôle exact de ce transporteur dans les dysfonctionnements cérébraux qui mènent à une peur généralisée. En parallèle, elle développe des molécules capables de se lier à VGLUT3 pour modifier son activité. Un travail qui pourrait aboutir, à terme, au développement de nouveaux traitements.


Stéphanie Daumas dirige l’équipe Neuropharmacologie des VGLUTs au laboratoire Neuroscience Paris-Seine de l’Institut de biologie Paris-Seine (unité 1130 Inserm/CNRS/Sorbonne Université), à Paris.


Source : C. de Almeida et coll. Absence of VGLUT3 expression leads to impaired fear memory in mice. eNeuro, édition en ligne du 31 janvier 2023 ; doi :10.1523/ENEURO.0304–22.2023

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