Le tic-tac du protéasome

Le protéasome est un des organites intracellulaires qui favorise la résistance au stress oxydant et limite le vieillissement cellulaire prématuré. Des chercheurs viennent de montrer que son activité était sous l’influence de notre rythme circadien. Ces enseignements seront utiles pour optimiser certains traitements anticancéreux ou pour approfondir les connaissances en biologie du vieillissement.

Parler d’horloge biologique n’est pas une figure de style. On sait depuis de nombreuses années que notre physiologie fluctue au cours de la journée : pression sanguine, activité rénale ou hépatique, production hormonale… Derrière ce phénomène, des mécanismes moléculaires communs qui commencent à bien être identifiés : ils sont à la fois génétique – par le biais d’une boucle de rétroaction entre deux groupes de gènes – et non génétique – par le biais d’un mécanisme d’oxydation protéique régit par des espèces réactives à l’oxygène (sous contrôle du système Redox). Or, le protéasome est un organite intracellulaire qui est justement chargé d’éliminer les protéines oxydées.

Au vu des interrelations entre système Redox et protéasome, des chercheurs ont voulu évaluer si ce dernier était aussi sous influence circadienne. Ils ont confirmé leur hypothèse sur plusieurs types cellulaires. Bertrand Friguet*, qui a encadré l’étude, explique : « nous avons montré que l’expression du PA28, une protéine qui active le protéasome, oscille au cours de la journée. Le protéasome a donc une activité dépendante du rythme circadien ».

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Un nettoyeur cellulaire important

La découverte est importante car « le protéasome est une unité multi-enzymatique » qui joue un rôle déterminant pour un grand nombre de processus cellulaires, en particulier dans la réponse au stress. Il assure l’élimination des protéines endommagées qui se trouvent dans la cellule. Sans lui, le vieillissement de la cellule serait prématuré. 

Ces nouvelles données pourraient avoir des répercussions intéressantes pour les sciences biologiques du vieillissement, comme l’explique le chercheur : « On sait que l’activité du protéasome diminue avec l’âge, ce qui favorise le vieillissement. En étudiant des cellules fibroblastiques jeunes et sénescentes, nous avons observé que l’influence circadienne sur le protéasome diminuait avec le temps ». En d’autres termes, plus les cellules étaient anciennes et moins l’activité de l’organite fluctuait au cours de la journée. A l’inverse, dans des cellules immortalisées, la sensibilité du protéasome aux oscillations circadiennes restait constante. « Il serait donc intéressant de tester l’effet de la réactivation expérimentale de la rythmicité circadienne du protéasome sur le métabolisme cellulaire, afin d’apprécier si la cellule rajeunit en étant moins oxydée » propose le chercheur, avec l’idée d’apporter des réponses dans le cadre d’une médecine antivieillissement. 

Chronothérapeutique

Ces travaux pourraient aussi être utiles dans le cadre de la lutte contre le cancer. En effet, les cellules cancéreuses sont connues pour avoir une activité protéasomale intense. Des médicaments ciblant cet organite ont ainsi été développés ces dernières années : le bortezomib ou le carfilzomib sont les deux traitements anti-protéasome disponibles aujourd’hui, indiqués dans le traitement des lymphomes du manteau et myélomes multiples. « L’administration de ces médicaments anti-protéasome pourrait être potentialisée en ciblant un moment de la journée où le complexe enzymatique est déjà dans son état le moins actif » explique Bertrand Friguet. Une donnée utile au développement d’une chronothérapeutique adaptée, dont le but ultime est d’optimiser la balance bénéfice-risque des traitements. 

Note

* unité 1164 Inserm/CNRS/université Pierre et Marie Curie, Adaptation biologique et Vieillissement, Institut de Biologie Paris Seine (IBPS), Paris 

Source

A. Desvergne et coll. Circadian modulation of proteasome activity and accumulation of oxidized protein in human embryonic kidney HEK 293 cells and primary dermal fibroblasts. Free Radic Biol Med, édition en ligne du 1er mars 2016