Des « supers » lymphocytes T CD8 contribuent au contrôle naturel du VIH‑2

Chez les personnes infectées par le VIH‑2, la maladie ne progresse que rarement, même sans traitement. Il apparaît qu’elles disposent de ressources remarquables en lymphocytes CD8, particulièrement efficaces pour éliminer les cellules hébergeant le virus.

Le contrôle du VIH repose sur une excellente préservation des ressources immunitaires, notamment celle en cellules CD8. En cas d’infection par le VIH‑1 (environ 99% des infections par le VIH), ces ressources s’épuisent hélas très rapidement. Mais ce n’est pas ce qu’on observe chez la grande majorité des personnes infectées par le VIH‑2, dont 80% contrôlent naturellement l’infection sans recourir à un traitement (contre moins de 0,5% en cas d’infection par le VIH‑1). Il est apparu que ces patients disposent d’un stock abondant et durable de lymphocytes T CD8, présentant en outre une très grande efficacité pour éliminer les cellules de l’organisme qui hébergent le virus.

C’est ce que viennent de découvrir les équipes de Victor Appay (Inserm/ANRS)* et d’Asier Saez-Cirion (Institut Pasteur/ANRS). Ces deux équipes travaillent de concert avec d’autres équipes financées par l’ANRS**, qui se concentrent principalement sur l’étude de différents mécanismes immunitaires et virale de ce contrôle naturel de la maladie : cellules NK, lymphocytes CD4, cellules dendritiques, réservoir viral... Pour cela, les chercheurs utilisent tous des échantillons provenant de patients infectés par le VIH‑2, inclus dans la cohorte ANRS CO5 HIV‑2 coordonnée par Sophie Matheron à l’hôpital Bichat (Paris).

Un stock de CD8 inépuisable

Les équipes de Victor Appay et Asier Saez-Cirion étudient quant à elles les lymphocytes CD8. Il s’agit de lymphocytes acteurs de la réponse immunitaire spécifique, qui reconnaissent spécifiquement l’agent infectieux et restent en mémoire dans l’organisme. L’analyse des lymphocytes CD8 spécifiques isolés du sang de patients infectés révèle que leur stock de cellules CD8 gag spécifiques, c’est-à-dire celles qui reconnaissent la protéine gag présentée à la surface des cellules infectées par le virus, est inépuisable ! De plus, leurs précurseurs sont présents en grand nombre dans la moelle osseuse et se renouvellent en permanence. Par ailleurs, lors d’expériences conduites in vitro en mettant en contact ces cellules avec des lymphocytes CD4 infectés par le virus, les chercheurs ont constaté leur grande efficacité à tuer ces cibles. 

« Cette capacité à maintenir de telles ressources immunitaires est remarquable. Nous ne connaissons pas encore les mécanismes sous-jacents, mais il existe incontestablement un cercle vertueux permettant un bon contrôle du virus et pérennisant la production de lymphocytes CD8 efficaces. En cas d’infection par le VIH‑1, c’est tout l’inverse ! Le cercle est vicieux : le virus est mal contrôlé et cela provoque l’épuisement des CD8 et de leurs ressources », expliquent Victor Appay et Asier Saez-Cirion. 

Les travaux des autres équipes apporteront des données complémentaires. En attendant, les chercheurs tentent d’en savoir un peu plus sur les caractéristiques de ces « super » lymphocytes T CD8. En particulier, ils étudient les récepteurs présents à leur surface et leurs affinités, ainsi que leur métabolisme. Sont également étudiés les facteurs du VIH‑2 qui pourraient induire ce cercle vertueux. Avec à la clé, espérons-le, de nouvelles pistes thérapeutiques pour mieux contrôler le VIH‑1.

Note

*unité 1135 Inserm/UPMC, Centre d’immunologie et de maladies infectieuses, Groupe hospitalier Pitié Salpetrière, Paris
**dans le cadre de l’étude Immunovir 2 portée par Rémy Cheynier 

Source

M Angin et coll. Preservation of Lymphopoietic Potential and Virus Suppressive Capacity by CD8+ T Cells in HIV‑2–Infected Controllers. J Immunol, édition en ligne du 26 août 2016