Stéatohépatite non alcoolique : de l’importance des macrophages du foie

Caractérisée par une accumulation de graisses dans le foie associée à une inflammation, la stéatohépatite non alcoolique peut évoluer vers une fibrose, puis une cirrhose. Une équipe parisienne vient d’identifier un nouveau mécanisme impliqué dans cette progression délétère : la maladie altère le stock de macrophages du foie, des cellules qui ont un rôle protecteur pour la fonction hépatique.

La stéatohépatite non alcoolique (NASH, pour non-alcoholic steatohepatitis) est une maladie chronique qui concerneraient plus de 200 000 personnes en France. Elle correspond à une accumulation de graisses dans le foie (stéatose) associée à une inflammation de l’organe (hépatite). Non liée à une consommation excessive d’alcool, elle est plus fréquente chez les personnes atteintes d’obésité et/ou de diabète de type 2. D’abord silencieuse, la maladie évolue défavorablement en l’absence de mesures hygiéno-diététiques rectificatives : avec l’apparition progressive d’une fibrose, elle peut conduire à la cirrhose, elle-même facteur de risque de cancer. À l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, l’équipe d’Emmanuel Gautier*, spécialisée dans l’étude de la nature et de la fonction des macrophages dans le contexte des maladies cardiométaboliques, a voulu savoir quel était l’impact de la NASH sur les macrophages du foie. 

Les macrophages sont des cellules qui jouent un rôle fondamental dans l’immunité : ils phagocytent et éliminent des agents infectieux. Des stocks de macrophages sont présents dans chaque tissu et organe. Ils les colonisent au moment du développement embryonnaire et y persistent tout au long de la vie par autorenouvellement, le plus souvent indépendamment des monocytes sanguins circulants (des cellules qui peuvent se « transformer » en macrophages). Ces cellules du système immunitaire établissent des contacts étroits avec leur environnement et occupent des rôles importants pour le bon fonctionnement du tissu ou de l’organe en question. Ainsi, il existe dans le foie des macrophages embryonnaires appelés cellules de Kupffer, situés à l’interface entre la circulation sanguine et le tissu hépatique. Si leur rôle n’est pas parfaitement élucidé, ils semblent tout au moins impliqués dans la protection du foie contre les agents infectieux et pourraient également moduler le métabolisme des lipides. 

Des cellules de substitution moins performantes

Pour étudier l’impact de la NASH sur les cellules de Kupffer, Emmanuel Gautier et son équipe ont développé des modèles de souris génétiquement modifiées qui permettent de déterminer l’origine de ces cellules (embryonnaire ou non) et leur devenir au cours du temps. Les chercheurs ont soumis ces animaux à un régime alimentaire qui déclenche l’apparition d’une NASH. Ils ont ainsi constaté une altération du stock des cellules de Kupffer, dont une partie est alors issue de monocytes circulants. « En situation normale, les cellules de Kupffer s’autorenouvellent. Nous voyons qu’en situation pathologique, certaines meurent et celles qui survivent ne semblent pas en mesure de se multiplier plus abondamment pour compenser la perte. Un système de secours se met en place pour favoriser la génération de nouvelles cellules à partir de monocytes qui proviennent de la circulation sanguine », explique Emmanuel Gautier. 

Macrophages résident hépatiques (cellules de Kupffer) dans un foie sain. En vert : les cellules. En bleu : leur noyau. © Emmanuel Gautier/unité Inserm 1166

Les chercheurs ont ensuite étudié la fonction des cellules de Kupffer d’origine embryonnaire ou dérivées de monocytes au cours de la NASH. Pour cela, ils ont utilisé un modèle de souris qui ne possédaient que les unes ou les autres. Soumises à un régime inducteur de NASH, les souris détentrices uniquement de cellules de Kupffer d’origine embryonnaire présentaient un foie en meilleur état, avec un taux de transaminases dans le sang moins élevé que les rongeurs de l’autre groupe (une élévation du taux de cette enzyme est le signe d’une dysfonction hépatique). En outre, leur foie accumulait davantage de triglycérides, une modalité de stockage des acides gras bénéfique car elle passe par la transformation de graisses saturées toxiques pour le foie. 

« Les cellules de Kupffer “natives” semblent donc mieux protéger les fonctions hépatiques que celles générées à partir des monocytes. En situation pathologique, la substitution des premières par les secondes permet de maintenir le stock de macrophages à flot, mais son résultat est moins performant sur le plan fonctionnel, constate le chercheur. Nous aimerions maintenant vérifier ce qu’il en est chez l’Homme, à partir de biopsies de patients. Si le rôle protecteur des cellules de Kupffer “natives” se confirme, nous tenterons d’identifier des cibles thérapeutiques pour augmenter cet effet », conclut le chercheur. 

Note :
*unité 1166 Inserm/Sorbonne Université, équipe Phagocytes mononucléaires dans les maladies cardiométaboliques

Source : S Tran et coll. Impaired Kupffer cell self-renewal alters the liver response to lipid overload during non-alcoholic steatohepatitis. Immunity, édition en ligne du 19 juin 2020. doi : 10.1016/j.immuni.2020.06.003