Soulager les douleurs neuropathiques grâce au Botox

Les résultats d’un essai clinique apportent un réel espoir aux centaines de milliers de personnes qui souffrent de douleurs neuropathiques en France : des injections répétées de toxine botulique semblent efficaces pour lutter contre ces douleurs qui ne sont souvent que partiellement soulagées par les traitements conventionnels.

La toxine botulique de type A, connue sous le nom commercial de Botox, pourrait être un traitement de recours intéressant pour soulager les douleurs neuropathiques périphériques. Différentes de celles que l’on connaît le plus souvent, ces douleurs sont souvent liées à la lésion d’un nerf, par exemple après une chirurgie, un traumatisme, ou en raison d’une maladie neurologique. 

Des chercheurs ont conduit une étude tri-centrique dans laquelle ils ont comparé l’effet sur ces douleurs de deux injections sous-cutanées de toxine botulinique ou de placebo. Les injections ont été réalisées à 3 mois d’intervalle, chez des patients qui continuaient en parallèle leur traitement habituel. Résultats après 24 semaines de suivi : sur une échelle numérique cotée de 0 à 10, l’évaluation de la douleur passait en moyenne, de 6,5 à 4,6 dans le groupe Botox, contre 6,4 à 5,8 dans le groupe placebo. Par ailleurs, les personnes ayant répondu significativement à la première séance d’injection étaient davantage soulagées après la seconde séance. « Ces résultats sont intéressants, insiste Nadine Attal*, responsable de l’étude. Les douleurs neuropathiques périphériques ne répondent pas aux traitements antalgiques classiques et, si les médicaments le plus souvent proposés – comme les antiépileptiques ou les antidépresseurs – peuvent être efficaces, c’est au prix d’effets indésirables souvent gênants ». C’est pourquoi l’intérêt pour des traitements efficaces et mieux tolérés reste entier. 

Futur traitement de recours

« Cette étude a apporté une nouvelle preuve de l’efficacité de la toxine botulique de type A, mais elle a aussi permis de mieux cerner le profil des patients pour lesquels proposer le traitement » précise la chercheuse. En effet, l’efficacité du Botox était d’autant plus élevée que les patients présentaient une bonne sensibilité à la chaleur au niveau de la zone concernée, et une douleur provoquée par un contact ou un effleurement simple (allodynie). En outre les patients inclus devaient tous présenter une douleur relativement limitée – un doigt, une main, une zone cutanée localisée – compatible avec les doses maximales utilisables de Botox. « Ces paramètres ont l’avantage d’être assez facilement repérables par le médecin. La sélection des patients pour une future prescription dans les douleurs neuropathiques peut donc être relativement aisée » poursuit-elle. 

Sans doute un tel usage thérapeutique reposera-t-il sur le recours régulier à des injections, toutes les 12 semaines. « Reste que le Botox n’a pas d’autorisation de mise sur le marché dans les douleurs neuropathiques, et que ce traitement ne pourra être proposé qu’en cas d’échec des traitements conventionnels car les injections doivent être réalisées à l’hôpital et sont souvent douloureuses ».

Un nouveau mécanisme d’action

La toxine botulique de type A, neurotoxique bactérien pouvant engager le pronostic vital des personnes infectées par le Clostridium botulinum, n’en n’est pas à sa première utilisation thérapeutique. Le blocage de la transmission nerveuse qu’elle provoque au niveau de la jonction neuromusculaire présente en effet un intérêt pharmacologique : Depuis de nombreuses années, elle est utilisée dans la dystonie, qui associe raideur musculaire douloureuse et mouvements anormaux (comme la crampe des écrivains), dans les vessies neurologiques, caractérisées par une hyperactivité, ou dans la spasticité localisée (résistance involontaire à un mouvement imposé)… L’utilisation de la toxine commence aussi à être proposée dans le traitement de la migraine chronique. « L’efficacité antalgique de la neurotoxine dans les douleurs neuropathiques avait déjà été suggérée par d’autres études cliniques et des données d’études chez l’animal, mais sans que l’on ne connaisse bien le mécanisme d’action impliqué » précise Nadine Attal. Cette nouvelle étude clinique contribue à élargir encore l’intérêt médical du Botox, loin d’être restreint à son seul usage esthétique si médiatisé. 

Note

* Inserm U987/université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Physiopathologie et pharmacologie clinique de la douleur. 

Source

A. Attal et coll. Safety and efficacy of repeated injections of botulinum toxin A in peripheral neuropathic pain (BOTNEP): a randomised, double-blind, placebo-controlled trialThe Lancet Neurology, publié en ligne le 29 février 2016,