SLA : l’identification d’un canal membranaire ouvre la piste d’une thérapie génique

La maladie de Charcot, ou sclérose latérale amyotrophique (SLA), est une maladie neurodégénérative dont l’origine reste inconnue. En s’intéressant à la façon dont les différentes catégories de fibres nerveuses altérées au cours de la maladie fonctionnent, une équipe de chercheurs vient d’identifier une cible thérapeutique potentielle : un canal membranaire dont la modulation de la fonction semble favoriser, ou au contraire retarder, l’évolution de la SLA.

La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est une maladie neurodégénérative qui touche les motoneurones, les cellules nerveuses qui innervent les fibres musculaires. Elle engendre tout d’abord une faiblesse, puis une perte de la fonction musculaire par mort progressive des motoneurones. Son évolution est souvent fatale, à plus ou moins long terme. 

Les motoneurones dits alpha sont les premiers à être touchés dans la SLA. Impliqués dans les mouvements volontaires, ils se divisent en trois catégories selon la nature des tâches auxquelles ils participent : les motoneurones « lents », impliqués dans la posture, les « rapides fatigables » (FF, fast-fatigable), qui interviennent dans les efforts courts et intenses, et enfin les « rapides résistants » à la fatigue (FR, fast-resistant), sollicités dans les exercices d’endurance. Il s’avère que ces trois familles ne sont pas touchées de la même façon dans la SLA : on observe d’abord une altération de la fonction des FF puis, progressivement, des FR et enfin des fibres lentes. Cette séquence pourrait reposer sur la spécificité d’excitabilité de ces différents groupes de fibres, c’est-à-dire sur le seuil d’activité électrique qui conduit à l’activation des neurones. 

En se penchant sur la question, des chercheurs de l’Institut des neurosciences de Montpellier* ont identifié un nouvel acteur de la régulation de cette excitabilité : un canal membranaire activé par le calcium, nommé TMEM16F. L’activité électrique d’un neurone repose sur des échanges d’ions entre le milieu intra- et extracellulaire, explique Frédérique Scamps*. Ces échanges se font à travers des canaux présents dans la membrane cellulaire. Et on sait qu’un excès intracellulaire de calcium est délétère pour les motoneurones. »

Une piste de thérapie génique

Avec Cédric Raoul et son équipe, la chercheuse a étudié le rôle de ce canal chez la souris. Pour cela, les scientifiques ont commencé par développer un modèle animal qui présente une perte de l’expression de TMEM16F. Chez ces animaux, ils ont observé que le seuil d’excitabilité des FF était augmenté, ce qui engendrait une perte de performance de l’animal dans des exercices de haute intensité. Lorsque ces souris étaient croisées avec un modèle murin de SLA, le début de la maladie était décalé dans le temps et l’espérance de vie était prolongée par rapport aux souris SLA dont les motoneurones exprimaient « normalement » le canal membranaire. 

« Ces observations suggèrent que TMEM16F est nécessaire pour réaliser un effort de forte intensité, mais que sa perte de fonction permet de protéger les motoneurones contre le stress calcique, résume la chercheuse. C’est un résultat intéressant, car ce canal n’était pas connu dans ce contexte. Il a été identifié récemment dans une maladie hémorragique, le syndrome de Scott. Depuis, son rôle est principalement étudié dans les troubles de la coagulation. »

Sur le plan médical, cette découverte pourrait permettre de mieux comprendre la SLA et d’ouvrir une nouvelle piste de traitement : « La modification d’un seul acide aminé du gène codant pour TMEM16F induit un gain de fonction qui pourrait constituer un facteur aggravant de la SLA. Nous posons l’hypothèse que les patients qui souffrent de SLA pourraient présenter une mutation “gain de fonction” de ce gène. Pour le vérifier, nous travaillons avec une équipe de neurogénéticiens de Nîmes, spécialistes de la SLA. Si cette hypothèse est confirmée, ce gène pourrait constituer une piste de thérapie génique. »

Note :
*unité 1051 Inserm/Université de Montpellier, Institut des Neurosciences de Montpellier, équipe Pathologie du motoneurone : neuroinflammation et thérapie, Montpellier

Source : Soulard et coll. Spinal Motoneuron TMEM16F Acts at C‑boutons to Modulate Motor Resistance and Contributes to ALS Pathogenesis. Cell Reports, édition du 25 février 2020, doi : 10.1016/j.celrep.2020.02.001