SARS-CoV‑2 : La muqueuse nasale arbore des mécanismes de défense spécifiques

En comparant les prélèvements sanguins et nasaux de patients hospitalisés pour Covid-19, des chercheurs ont montré des différences majeures entre les réponses immunitaire et inflammatoire observées dans chacun de ces deux compartiments. Le microbiote présent au niveau des fosses nasales pourrait être impliqué.

Si les mécanismes qu’utilise le SARS-CoV‑2 pour pénétrer dans l’organisme et ceux que notre système immunitaire met en œuvre pour le combattre sont progressivement mieux compris, certaines questions perdurent : notamment, pourquoi certaines personnes restent totalement asymptomatiques après l’infection, alors que d’autres atteignent un stade critique. Ce phénomène repose-t-il sur des critères propres au virus, à l’immunité du patient, à ses comorbidités ou à une combinaison de ces différents facteurs ?

James Di Santo* et son équipe travaillent depuis plusieurs années sur des thématiques connexes. Au sein du laboratoire d’excellence (LabEx) Milieu intérieur, en collaboration avec un laboratoire de l’institut Pasteur dirigé par Darragh Duffy, les chercheurs explorent justement les mécanismes à l’origine de la vulnérabilité face aux infections. Ainsi, bien avant la pandémie de Covid-19, ces chercheurs consacraient leurs efforts à la caractérisation des mécanismes inflammatoires et immunitaires de la muqueuse nasale. Celle-ci constitue en effet un acteur important de la réponse immune puisqu’elle représente la première porte d’entrée pour les virus respiratoires. L’émergence du SARS-CoV‑2 les a incités à appliquer leurs approches à l’étude ce nouveau virus.

En comparant des échantillons nasopharyngés et des échantillons sanguins de patients hospitalisés pour Covid-19 modérée, grave ou critique, les scientifiques ont pu réaliser plusieurs observations importantes : « Le premier constat est que les réponses immunitaires observées dans les deux compartiments – nasal et sanguin – ne sont pas similaires », explique James Di Santo. En effet, alors que le taux d’anticorps sanguin est corrélé à la charge virale, et donc à l’ampleur de l’infection, ce n’est pas le cas du taux d’anticorps produits au niveau de la muqueuse nasale. « L’environnement biologique, et notamment la réponse inflammatoire précoce à l’infection, pourrait être à l’origine de cette disparité », suggère le chercheur. Ainsi, il apparaît que certains marqueurs sanguins de l’inflammation, à savoir des cytokines, ont une concentration d’autant plus élevée que la Covid-19 est sévère, alors que cette corrélation est inversée au niveau de la muqueuse nasale : « Les cytokines nasales sont d’autant plus rares que le patient est gravement malade. Elles sont nombreuses lorsque la forme de la maladie est légère ou, a fortiori, dans les échantillons issus de témoins non infectés. Il est donc probable que ces cytokines soient indispensables pour mettre en place une réponse immunitaire locale efficace. »

Une fonction du microbiote dans le rôle barrière de la muqueuse nasale

Reste à comprendre pourquoi le taux de cytokines dans la muqueuse est moins élevé chez les personnes infectées. Pour cela, les chercheurs se sont penchés sur la composition de la flore bactérienne présente au niveau nasal et ont observé qu’elle est davantage perturbée chez les patients atteints des formes les plus sévères de la Covid-19. Il est donc possible qu’un équilibre existe entre la flore et l’équilibre cytokinique normal dans la muqueuse. L’infection par le SARS-CoV‑2 pourrait conduire à une dysbiose, un déséquilibre en cytokines et, in fine, à une maladie plus symptomatique.

« La façon dont la réponse anti-infectieuse de la muqueuse nasale s’articule avec celle de l’immunité systémique est pour l’heure très mal connue. Mais ces observations permettent de poser des hypothèses sur les rôles joués par la barrière muqueuse, le microbiote, l’inflammation et l’immunité dans la traduction clinique de l’infection par le SARS-CoV‑2 », commente James Di Santo. Afin de vérifier si l’altération de la flore microbienne est bien secondaire à l’infection virale, le chercheur et son équipe participent actuellement à une étude de cohorte au cours de laquelle le microbiote nasal de témoins sains est caractérisé, puis réanalysé à l’issue d’une éventuelle infection. « Nous allons élargir la caractérisation du microbiote par une approche de métagénomique, s’intéressant à l’ensemble de l’ADN non humain présent au niveau de la flore nasale, y compris celui de virus et de champignons. Le microbiote est un écosystème dont le rôle protecteur peut en effet faire intervenir d’autres agents que les seules bactéries. »

D’ici là, ce travail apporte d’ores et déjà des éléments intéressants sur la façon dont les différents acteurs de la réponse muqueuse entrent en jeu face à l’infection. Des données importantes à l’heure où des approches par vaccination nasale sont à l’étude...

Note :
* unité 1223 Inserm/Institut Pasteur, équipe Immunité innée, Paris.

Source : Smith N et coll. Distinct systemic and mucosal immune responses during acute SARS-CoV‑2 infection. Nature Immunology du 1er Septembre 2021. DOI :10.1038/s41590-021–01028‑7

À lire aussi