Réparer l’os : un implant 3D vivant fait ses preuves chez la souris

Chez la souris, un nouvel implant vivant en trois dimensions permet une régénération osseuse intégrale en un mois. L’équipe Inserm qui l’a conçu en confie le secret.

Une nouvelle étape vient d’être franchie dans la réalisation des implants osseux : une équipe Inserm* vient de tester avec succès un implant vivant, à base de nanofibres associé à des cellules souches organisées en 3D. Les essais ont eu lieu in vitro et in vivo chez la souris. 

Si l’histoire des implants est ponctuée de progrès permanents, « les technologies actuelles en médecine régénérative ont des limites et les besoins sont là ! En particulier lorsqu’il s’agit de combler des lésions osseuses de grande taille, pour souder des vertèbres en cas de besoin ou encore en dentisterie », explique Nadia Benkirane-Jessel, directeur de recherche Inserm, responsable de ces travaux. Actuellement, pour régénérer l’os, les chirurgiens utilisent des membranes de collagène imbibées de facteurs de croissance qui favorisent le développement cellulaire. « Mais ces membranes sont d’origine animale, avec un risque d’inflammation. Et les facteurs de croissance sont libérés passivement, sans contrôle réel de leur concentration. La nouvelle génération d’implants doit s’affranchir de matériaux d’origine animale et permettre de contrôler la diffusion des facteurs de croissance de façon intelligente », clarifie Nadia Benkirane-Jessel. 

Des nanoréservoirs intelligents 

Pour cela, son équipe est partie de polymères nanofibreux qui imitent le réseau de collagène et sont approuvés par les autorités de santé pour une utilisation clinique. A ces polymères, les chercheurs ont associé des nanoréservoirs contenant les facteurs de croissance. « Ces nanoréservoirs sont en fait des petites gouttelettes déposées sur les nanofibres. Dès qu’ils rentrent en contact avec une cellule, ils libèrent une dose nanométrique de molécule », détaille la chercheuse. 

Si la lésion de l’os est de petite taille, l’implant peut être déposé ainsi : les cellules résiduelles de l’os le coloniseront sur place. Mais si la lésion est importante, des cellules vivantes doivent être associées à l’implant, d’où le terme d’implant vivant. Pour cela, plusieurs types de cellules peuvent être utilisées : cellules de l’os ou cellules souches. L’équipe de Nadia Benkirane-Jessel utilise des cellules souches mésenchymateuses prélevées dans la moelle osseuse. Jusque-là, ces cellules étaient déposées telles quelles, en deux dimensions sur les nanofibres. Mais pour accélérer la régénération les chercheurs ont eu l’idée de pré-organiser ces cellules en trois dimensions. « Pour cela, nous avons créé des sphéroïdes, c’est à dire des petites sphères contenant chacune quelques cellules organisées en 3D que l’on dépose sur une autre dimension 3D. Cette double 3D constitue l’implant nanofibreux », explique Nadia Benkirane-Jessel. 

© Inserm / G. Boivin Tissu osseux trabéculaire. L’intérieur de l’os est constitué de travées remplies de moelle osseuse. La lumière polarisée donne une excellente image de la texture lamellaire normale de ce tissu osseux, dit “trabéculaire » c’est-à-dire en forme de travées.

Penser à la vascularisation 

Vient ensuite le moment de l’implantation. « La couche de nanofibres et ses nanoréservoirs se présente comme un pansement thérapeutique (une feuille de papier) que nous apposons au niveau de la lésion osseuse. Comme un pansement. Puis, dans la foulée, au cours du même acte chirurgical, nous déposons un hydrogel contenant les sphéroïdes sur cette couche », décrit-elle. In vivo chez la souris, cet implant a permis à un fragment d’os du crane de se régénérer intégralement en 31 jours. Ce succès a conduit l’équipe à déposer une demande de financement pour un essai préclinique chez le chien, meilleur modèle animal de régénération osseuse avant l’homme (pour cette indication). 

Reste à travailler en parallèle sur la vascularisation de ces implants, pour être en mesure de combler un os et pas seulement de régénérer sa surface. « En cas de comblement d’une lésion de grande taille, la vascularisation ne se fait que sur les bords de l’implant et nous assistons à une nécrose centrale. Cela oblige à l’heure actuelle à effectuer une greffe d’os autologue (prélevé au patient lui ‑même). C’est pourquoi nous continuons d’améliorer notre implant en ajoutant des facteurs d’angiogenèse dans les nanoréservoirs, ou des cellules souches et/ou des cellules endothéliales qui tapissent les vaisseaux sanguins « , conclut la chercheuse. 

Note

* Unité 1109 Inserm/Université de Strasbourg, Faculté de médecine, Strasbourg 

Source

L. Keller et coll. Nanoengineered implant as a new platform for regenerative nanomedicine using 3D well-organized human cell spheroids. Int J Nanomedicine, édition en ligne du 12 janvier 2007