Recherche et innovation : piloter des programmes prioritaires à l’échelle nationale

La pandémie de Covid-19 a mis en lumière l’importance d’une recherche réactive, innovante et coordonnée dans le continuum de la recherche biomédicale et de la santé publique. Cette démarche, à laquelle l’Inserm s’attache depuis sa création, est aujourd’hui renforcée par la mise en place, dans le cadre du plan d’investissement France 2030, de Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR), pilotés à l’échelle nationale. L’Institut, aux commandes de six d’entre eux, entend ainsi continuer à contribuer à la souveraineté et à la compétitivité internationale de la France en matière de santé.

Un article à retrouver dans le rapport d’activités 2022 de l’Inserm

Le plan d’investissement France 2030 vise à construire ou à consolider un leadership français dans des domaines scientifiques prioritaires aux niveaux national ou européen susceptibles d’amener une transformation technologique, économique, sociétale, sanitaire ou environnementale de grande ampleur. Le volet santé, financé à hauteur de 7,5 milliards d’euros, met notamment l’accent sur la santé numérique. « La partie recherche de ce volet repose sur un PEPR, copiloté par l’Inserm et l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria). Elle s’articule autour du concept de jumeau numérique multi-échelle, c’est-à-dire la représentation virtuelle, en 3D, de systèmes à plusieurs niveaux, décrit Lotfi Senhadji, professeur à l’université de Rennes et copilote pour l’Inserm du PEPR Santé numérique. L’État en a validé́ la feuille de route en octobre 2022, et les projets sélectionnés ont été lancé début juin 2023. Ils répondront à quatre grands axes : deux axes méthodologiques, sur les données de santé au sens large et sur l’impact de leur exploitation pour les patients, les praticiens et les structures de soins, et deux applicatifs, sur les maladies cardiovasculaires et sur les atteintes neurologiques, des problèmes majeurs de santé publique. »

Investir le champ de la santé numérique et de la bioproduction

Dans le même domaine, l’Inserm entend créer des synergies entre recherche, formation et industrie à travers son implication dans PariSanté Campus. « Cette vitrine de la stratégie nationale mettra en valeur des résultats concrets de ce que l’on peut faire en santé numérique », explique Lotfi Senhadji. Et à nouveau, l’Inserm y est fortement mobilisé : il héberge le campus et est l’un des cinq partenaires publics fondateurs. Ainsi, la première équipe de chercheurs à s’y être installée, HeKA – commune à l’Inserm, à Inria et à l’Université Paris Cité –, travaille sur l’informatique médicale, les biostatistiques et les mathématiques appliquées pour l’aide à la décision clinique. Depuis, elle a été́ rejointe par d’autres équipes de recherche et de formation, 80 start-up et... Inserm Transfert, qui est « une composante de la troisième “brique” de la stratégie nationale, celle de la prématuration et de la maturation », décrypte Lotfi Senhadji.

En la matière, la filiale de valorisation privée de l’Inserm et la société d’accélération du transfert de technologies (SATT) Sud-Est conduisent le Consortium national pour la maturation de la santé numérique, COMS@N. « Bien sûr, Inserm Transfert a déjà̀ accompagné des projets en santé numérique, relate Pascale Augé, la présidente du directoire. Mais avec COMS@N, qui compte 24 membres – les structures de valorisation de l’Inserm, d’Inria, du CNRS, d’universités, des SATT et des centres hospitaliers universitaires –, nous mutualisons nos expertises afin de réunir une masse critique de projets de très forte compétitivité́ internationale. »

Une démarche adoptée également pour le développement de nouveaux traitements avec le Consortium pour la maturation des projets de biothérapie-bioproduction (COMBio), copiloté au niveau national par les deux mêmes acteurs. Là encore, cette structure s’inscrit dans une stratégie d’accélération plus large, dont l’Inserm et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) copilotent le PEPR Biothérapie et bioproduction des thérapies innovantes et dont l’agenda est proche de celui en santé numérique. Fin 2022, la feuille de route proposée a été acceptée par l’État, les premiers projets devant être lancés de façon opérationnelle en 2023.

En parallèle, l’Inserm a accompagné les projets d’intégrateurs Biothérapie-Bioproduction. Ces plateformes académiques constituent « le trait d’union entre des traitements très expérimentaux et leur production à des fins d’évaluation chez l’humain, explique Anne Galy, responsable de l’accélérateur de recherche technologique Thérapie génique, également intégrateur industriel sous le label Magenta, créé en 2020. En thérapies génique et cellulaire, les chercheurs doivent en effet concevoir des produits qu’il faudra évaluer et produire selon les normes industrielles et règlementaires difficiles à maîtriser dans un laboratoire académique. Nous les accompagnons donc afin de développer et de “dérisquer” leur projet. » En outre, l’intégrateur Magenta développe avec un réseau de collaborateurs des innovations de rupture – optimisation de la bioproduction avec l’intelligence artificielle, nouvelles immunothérapies fondées sur les lymphocytes B – ou encore une biothérapie avec l’édition de base, qui permet de corriger une seule « lettre » d’un gène muté sans coupure d’ADN.

Préserver la santé nutritionnelle et reproductive

Dans le cadre de la stratégie d’accélération Alimentation durable et favorable à la santé, l’Inserm s’est vu confier également le copilotage, avec l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), du PEPR Systèmes alimentaires, microbiome et santé. Ses ambitions : d’une part éclairer les politiques publiques qui visent à améliorer l’alimentation des citoyens, d’autre part étudier le rôle du microbiote sur la santé et identifier des moyens de préserver son équilibre et de rétablir ce dernier quand il est mis à mal. Pour élaborer ce PEPR, l’Inserm s’est appuyé sur le programme transversal Microbiote, lancé en 2018 et renouvelé pour trois ans. De fait, ce consortium public-privé a déjà établi « des liens entre le microbiote et les fonctions cognitives, la survenue de l’obésité, la modulation de la réponse à des traitements anticancéreux », souligne Évelyne Jouvin-Marche, coordinatrice Inserm du PEPR Systèmes alimentaires, microbiome et santé, dont le premier appel d’offres sera lancé courant 2023.

Dans un tout autre domaine, début 2022, a été lancée la Stratégie nationale de lutte contre l’endométriose dont le programme de recherche, piloté par l’Inserm, « s’intitule “Santé des femmes, santé des couples” car l’État a souhaité́ y inclure aussi l’infertilité et les effets de l’exposition in utero aux antiépileptiques », précise Jean Rosenbaum, directeur de recherche Inserm et responsable scientifique du PEPR. Le comité dédié, « composé d’autant de chercheurs que de médecins », souligne-t-il, a proposé un programme fléché, Epi-Endo, sur l’épidémiologie de l’endométriose, et différents défis à relever dans les trois domaines. « Dès que l’État aura rendu son avis, nous rédigerons les appels d’offres, indique Jean Rosenbaum. Mais d’ores et déjà, il nous a été demandé d’initier Epi-Endo. » Ce programme porté par Marina Kvaskoff, épidémiologiste au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations à Villejuif, va croiser les données sur l’endométriose de six cohortes françaises avec des données environnementales et génétiques pour identifier des facteurs de risques. Au total, Epi-Endo portera sur plus de 200 000 femmes et jeunes filles, « ce qui en fera la plus vaste étude sur l’endométriose en Europe », conclut Jean Rosenbaum.

Autre fait marquant de 2022, l’État a désigné le premier biocluster français : le Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC), cofondé par l’Inserm, Gustave-Roussy, l’Institut polytechnique de Paris, Sanofi et l’Université Paris- Saclay. L’ambition est de disposer d’un pôle d’excellence qui regroupe sur un même site entreprises, soins, recherches et innovations de rupture. « Le PSCC n’a pas encore de bâtiment dédié, mais il sera opérationnel en 2023, souligne Laurence Parmantier, déléguée régionale Inserm Paris Île-de-France Sud. En outre, il s’inscrit dans un environnement porteur avec la présence à Villejuif de plus de 30 start-up, de 48 équipes de recherche en oncologie et de l’hôpital Gustave-Roussy, très axé sur l’innovation. » Pour preuve, sur les 17 derniers projets de recherche hospitalo-universitaire financés en 2021, 4 sont coordonnés par ce centre de lutte contre le cancer.

Des initiatives propres à l’Inserm pour répondre à des besoins spécifiques

Si l’Inserm pilote également deux autres PEPR, l’un dédié aux maladies infectieuses émergentes, l’autre à la santé mentale, il a aussi lancé, au-delà de ces plans d’investissement nationaux, des initiatives d’envergure qui répondent à des besoins identifiés. Parmi celles-ci, le Programme stratégique de recherche collaborative en santé. « Favorisant les collaborations entre recherche et soins, il est soutenu par le ministère en charge de la Santé et financé par l’Assurance maladie », souligne Marion Cipriano de l’institut thématique Santé publique, qui gère la première action du programme : l’appel à projets Méthodologie des essais cliniques innovants, dispositifs, outils et recherches exploitant les données de santé et biobanques (Messidore). Une première qui a rencontré un franc succès : « Nous avons reçu une centaine de dossiers, ce qui a permis de repartir près de 10 millions d’euros entre 15 projets particulièrement prometteurs ! », relate-t-elle. Par exemple, le projet Moniear porté par Michel Le Van Quyen, chercheur en neurosciences au Laboratoire d’imagerie biomédicale à Paris, va évaluer, en lien avec l’hôpital fondation Adolphe de Rothschild, un dispositif d’électroencéphalogramme placé dans l’oreille pour suivre les crises d’épilepsie à domicile. Avec le projet Lift_Up Preterm, Jennifer Zeitlin, épidémiologiste au Centre de recherche épidémiologie et statistiques à Paris, veut quant à elle déployer une plateforme européenne fédérant les cohortes qui suivent sur le long terme les enfants prématurés inclus dans des essais cliniques. Un projet collaboratif mené́ avec le centre d’investigation clinique (CIC) de l’hôpital pédiatrique Robert-Debré à Paris, le CIC mère-enfant du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes et le CHU de Montpellier.

Enfin, l’Inserm a lancé en 2022 le programme d’impulsion MeCaCell 3D, coordonné par Christophe Lamaze de l’institut Curie à Paris et Fabienne Lescroart du Centre de génétique médicale de Marseille, pour répondre au besoin de modèles cellulaires en 3D qui reflètent au plus près ce qu’il se passe dans l’organisme. Le projet rassemble 18 équipes de recherche de toute la France. Ses objectifs : élaborer de nouveaux modèles 3D qui intègrent divers types de cellules du développement du cœur et de tumeurs ; et développer des approches innovantes d’analyse par imagerie de leur fonctionnement, ainsi que des approches quantitatives et temporelles grâce à leur modélisation théorique à l’aide du numérique.

Avec toutes ces initiatives à l’échelle nationale, l’ambition de l’Inserm reste ainsi inchangée : faciliter et accélérer les découvertes et leur transformation en progrès concrets pour les patients et la société. 

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Portrait de Didier Samuel
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