Protéomique : le code de la vie traduit à plus de 90%

Un projet titanesque démarré il y a 10 ans est pratiquement achevé : identifier et caractériser l’ensemble des protéines codées par le génome humain. La mission est accomplie à plus de 90 % et la première carte « haute qualité » du protéome humain vient d’être publiée dans la revue Nature Communications. Plus de 50 équipes de recherche, établies dans 25 pays, ont participé à cette prouesse qui constitue un puissant levier pour le progrès thérapeutique.

Le protéome humain, c’est l’ensemble des protéines produites dans notre organisme à partir de nos gènes. Bien plus vaste que notre génome, il s’agit d’une entité complexe et dynamique car un même gène peut conduire à la synthèse de différentes protéines selon les circonstances. En 2010, alors que la séquence du génome humain était entièrement disponible depuis plusieurs années, à peine 70% des protéines « prédites » par son analyse avaient été identifiées. C’est dans ce contexte, pour accroître les connaissances relatives à la variété, la quantité et les fonctions des protéines codées par nos gènes, que l’organisation mondiale HUPO (pour Human Proteome Organization) a lancé le projet Protéome humain (ou HPP pour Human Proteome Project). En biologie moléculaire, la synthèse des protéines à partir de l’information codée dans les gènes est nommée « traduction », d’où la devise du projet « Traduire le code de la vie ». 

Le HPP s’est appuyé sur une méthodologie solide et rigoureuse pour parvenir à décrire l’ensemble des protéines qui correspondent aux 19 800 gènes a priori « codants » du génome humain (ce dernier contient aussi des gènes qui constituent des éléments de régulation de l’expression génétique et ne conduiront pas à la synthèse de protéines). Chaque pays impliqué a « adopté » un chromosome et centralisé les données relatives aux protéines s’y rapportant. 

Chromosome 14 pour la France

La France s’est chargée du chromosome 14. Le travail a été coordonné par Charles Pineau*. Le chercheur et ses collaborateurs rennais ont notamment étudié le protéome du spermatozoïde humain, une cellule qui était potentiellement riche en protéines encore non recensées. L’utilisation combinée de techniques de biochimie, d’analyse en spectrométrie de masse et de bioinformatique a permis d’y identifier plusieurs milliers de protéines, dont près de 300 n’avaient jamais été détectées auparavant. Pour réaliser ce travail, Charles Pineau s’est notamment appuyé sur les compétences de la plateforme protéomique rennaise qu’il dirige, Protim, mais aussi sur celles de l’infrastructure nationale ProFi. Cette dernière réunit trois sites spécialisés en protéomique : EDyP Lab** à Grenoble, où travaille Yves Vandenbrouck, co-pilote de l’équipe française du projet Protéome humain, la plateforme de l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale et celle de l’Institut pluridisciplinaire Hubert-Curien à Strasbourg. 

À la clé, la carte du protéome humain

Au total, cet effort national et international orchestré par Mark Baker (Macquarie University, Sydney, Australie) a permis la caractérisation précise à grande échelle de plus de 90% des protéines humaines, dans divers organes, cellules et fluides biologiques. Un objectif qui n’aurait pu être atteint sans un partage de données entre les équipes, ainsi que la définition et l’adoption de standards très exigeants pour les techniques d’analyse.

La somme des connaissances accumulées et la nouvelle carte du protéome humain qui en découle vont permettre d’améliorer notre connaissance de la biologie humaine et fournir de nouvelles informations utiles pour améliorer la prise en charge médicale des patients. Elles permettent en effet de mieux comprendre les mécanismes moléculaires impliqués dans nos grandes fonctions cellulaires, notre physiologie et les dysfonctions associées aux maladies. Ce travail titanesque ouvre ainsi la voie au développement d’applications diagnostiques, pronostiques, thérapeutiques, et notamment à la médecine de précision. 

Pour en savoir plus sur la protéomique et ses applications, consultez notre dossier thématique.

Notes :
*unité 1085 Inserm/Université de Rennes/EHESP (Institut de recherche en santé, environnement et travail) et unité de service 18 Inserm/CNRS (Biosit)
**unité 1038 Inserm/CEA/Université de Grenoble-Alpes, Laboratoire de biologie à grande échelle 

Source : S Adhikari et coll. A high-stringency blueprint of the human proteome. Nat Commun du 16 octobre 2020. DOI : 10.1038/s41467-020–19045‑9