Prédire le risque d’asthme en cas de dermatite atopique du nourrisson

Chez le jeune enfant présentant une dermatite atopique précoce, la sensibilisation à plusieurs aliments expose à un risque ultérieur accru de sensibilisation à des allergènes respiratoires. L’identification de ce parcours devrait permettre de mieux évaluer le risque d’apparition d’un asthme chez ces enfants, pour une meilleure prévention.

Les enfants atteints de dermatite atopique précoce, un facteur de risque d’allergie bien connu, ne présentent pas tous les mêmes risques de sensibilisation respiratoire, et donc d’asthme. C’est ce qu’indiquent les résultats d’une étude conduite par des chercheurs de l’Inserm. Leurs travaux montrent en effet que la sensibilisation à plusieurs aliments dans les années qui suivent l’apparition d’une dermatite atopique précoce (apparue avant l’âge d’un an), multiplie par un facteur presque égal à quatre le risque de développer une sensibilité à des allergènes respiratoires (pollens, acariens, phanères d’animaux, moisissures) à l’âge de 6 ans. Or cette sensibilisation respiratoire fait le lit de l’asthme.

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© Inserm, P. Latron Traitement à domicile de l’asthme chez l’enfant, avec une chambre d’inhalation et un aérosol doseur, Rouen.

« Nous parlons bien ici de sensibilisation, précise Jocelyne Just*, coauteur des travaux au service d’allergologie pédiatrique de l’hôpital Armand-Trousseau (Paris). En cas de sensibilisation, les taux d’anticorps IgE spécifiques des allergènes sont élevés, mais l’enfant ne développe pas de symptômes manifestes au contact de ces allergènes ».

Pour rechercher les facteurs prédictifs de l’évolution d’une dermatite atopique précoce vers une sensibilisation à des allergènes respiratoires, les chercheurs ont recruté 229 nourrissons qu’ils ont suivis pendant six ans (cohorte ORCA pour « Observatoire des risques respiratoires associés à la dermatite atopique »). Chaque année, les participants étaient soumis à un contrôle dermatologique, respiratoire et biologique. Les auteurs ont notamment analysé la concentration d’IgE totale, marqueur d’allergies et celle d’éosinophiles, marqueurs d’inflammation en cas d’allergie.

Mieux prévenir l’apparition de l’asthme

Dans cette cohorte, 37% des enfants présentaient une sensibilité à plusieurs aliments, le plus souvent à l’œuf, au lait de vache ou aux fruits à coque de type noisette. Les auteurs ont constaté que cette polysensibilisation était largement prédictive d’une sensibilisation ultérieure à des allergènes respiratoires, avec un risque multiplié par 3,7. « Il semblerait que la dermatite atopique entraine une porosité importante de la peau, qui n’assure alors plus correctement son rôle de barrière physique. Résultat : des allergènes traversent la peau. Cela commence par des allergènes volatiles provenant de l’œuf ou du lait, entrainant une sensibilisation dans les premières années. Puis, dans un second temps, le système immunitaire activé se met à réagir davantage aux allergènes respiratoires », décrit Jocelyne Just. 

Mieux connaître cette mécanique et les facteurs de risque associé devrait permettre, à terme, une meilleure prévention de l’asthme résultant de cette sensibilisation aux allergènes respiratoires. « Nous devrons évaluer l’efficacité des interventions possibles pour améliorer cette prévention. Une induction précoce de la tolérance aux aliments allergéniques par des mesures diététiques ou la reconstitution de la barrière épithéliale dans le système respiratoire, pour éviter l’emballement immunitaire, sont des pistes crédibles », estime la chercheuse. 

Note

*unité 1136 Inserm/Université Pierre et Marie Curie, Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique, Paris 

Source

J. Just et coll. Natural history of allergic sensitization in infants with early-onset atopic dermatitis : results from ORCA Study. Pediatr Allergy Immunol, édition en ligne du 6 octobre 2014