Paragangliomes : le développement du cancer décrit pas à pas

Une équipe Inserm vient de détailler les mécanismes qui entrainent l’apparition de tumeurs du système nerveux périphérique,en cas de mutation affectant des gènes de prédisposition. Ce faisant, les chercheurs ont identifié des molécules clés, constituant de nouvelles cibles thérapeutiques.

Une équipe Inserm vient de décrire la cascade d’évènements engendrés par des mutations génétiques à l’origine de tumeurs du système nerveux périphérique nommées « paragangliomes ». Les chercheurs montrent que ces mutations entraînent des modifications épigénétiques qui réduisent l’expression de nombreux gènes nécessaires à l’équilibre et la « santé » de la cellule. 

Un modèle d’étude des mécanismes tumoraux

Les paragangliomes sont des tumeurs rares qui se développent dans un ou plusieurs ganglions du système nerveux périphérique, la chaine paraganglionnaire qui traverse l’organisme depuis le cou jusqu’à la région pelvienne. Ces tumeurs sont particulièrement intéressantes à étudier car plus d’un tiers des cas sont liés à des mutations génétiques héréditaires, affectant notamment le gène codant pour la protéine SDH (succinate déhydrogénase). Cela permet de connaitre l’origine exacte du cancer et, ainsi, d’analyser l’impact de la génétique sur la biologie de cette maladie. 

Judith Favier* et ses collègues ont utilisé des données du réseau national COMETE dédié à l’amélioration de la prise en charge des patients atteints de tumeurs des glandes surrénales et des paragangliomes. Les chercheurs ont ainsi eu accès à près de deux cents échantillons de tumeurs, accompagnés des données cliniques des patients et de prélèvements de leur ADN. Dans le cadre du programme « Cartes d’identité des tumeurs » de la Ligue nationale contre le cancer, les chercheurs ont analysé le génome de ces échantillons tumoraux. 

Des gènes mis sous silence

Ce travail a été très riche d’enseignements : les chercheurs ont en effet observé des modifications épigénétiques majeures lorsqu’une mutation affectant la protéine SDH était présente. Ces modifications, des hyperméthylations, n’altèrent pas la séquence des gènes mais en modifient l’expression : « Dans les tumeurs de ces malades, environ 11 % du génome était passé sous silence. On observe une nette réduction de l’expression de gènes suppresseurs de tumeurs ou impliqués dans des processus antitumoraux ou anti-métastasiques », clarifie Judith Favier. 

Pour tenter de détailler ce phénomène, les chercheurs ont ensuite développé un modèle cellulaire déficient en protéine SDH. Ils y ont également observé une hyperméthylation de l’ADN et ont pu identifier les molécules clés impliquées dans ce processus. 

Une incitation à la thérapie ciblée

« Ces travaux ouvrent une nouvelle voie dans la compréhension des mécanismes de cancérogenèse et laissent envisager de nouvelles approches thérapeutiques », explique Judith Favier. « En ciblant spécifiquement une molécule à l’origine de ces modifications épigénétiques, on devrait logiquement bloquer le développement du cancer. Une molécule anti-méthylation, la décitabine, est déjà disponible pour le traitement des leucémies. Il serait intéressant de la tester contre les paragangliomes et d’autres types de cancers auxquels sont associées des hyperméthylations comme les glioblastomes, des tumeurs du cerveau très agressives », conclut-elle.

Note :
*Unité 970 Inserm – PARCC, Paris 

Source :
E. Letouzé et coll. SDH Mutations Establish a Hypermethylator Phenotype in Paraganglioma. Cancer Cell du 10 juin 2013, vol. 23 (6), pp. 739–752