Nouvelle piste contre l’ischémie cérébrale

Une équipe Inserm vient de montrer pourquoi la majorité des patients ne répondent pas à la thrombolyse actuellement administrée en cas d’ischémie cérébrale. Elle propose même, dans la foulée, un nouveau traitement possible

« La thrombolyse qui permet de restaurer la circulation en cas d’ischémie cérébrale est efficace chez seulement un tiers des patients », entame Denis Vivien*, coauteur de ces travaux. Le traitement actuel repose sur l’injection de tPA (activateur de plasminogène) dans les quatre heures et trente minutes qui suivent l’événement ischémique. Cette substance détruit le caillot en ciblant la fibrine impliquée dans sa structure. Néanmoins, le traitement n’est pas efficace sur certains thrombus très riches en plaquettes. « Moins de 36 % d’entre eux sont sensibles à la thrombolyse par le tPA, ce qui limite l’intérêt de ce type de traitement », rappelle le chercheur. 

Les contraintes du flux sanguin

© Denis Vivien Un caillot sanguin visualisé en épifluorescence quelques secondes après l’injection d’un inhibiteur des récepteurs GpIbα où l’on voit que la « coquille » du thrombus a été détruite ce qui permet une restauration partielle de la perméabilité de l’artère cérébrale. Les plaquettes sont en vert, le facteur von Willebrand en rouge et l’ADN des cellules est visualisé à l’aide du DAPI (bleu)

Pour comprendre ce phénomène, les chercheurs ont développé un modèle d’accident ischémique cérébral chez des souris présentant des thrombus riches en plaquettes. En étudiant la formation de ces caillots, ils ont constaté que leur couche externe contenait un récepteur plaquettaire particulier, la glycoprotéine Ib alpha (GpIb alpha), qui soude les plaquettes entre elles et qui s’avère insensible au tPA. « La présence de cette structure dépend en fait de la vitesse du flux sanguin, explique le chercheur. Au décours de la formation du caillot, les plaquettes s’agrègent les unes aux autres en faisant intervenir des récepteurs appelés Glycoprotéines IIb/IIIa. Mais une fois que le thrombus occupe environ la moitié de la lumière de l’artère, le flux sanguin s’accélère fortement. Cela oblige les mécanismes d’agrégation à s’adapter en impliquant les glycoprotéines Ib alpha, qui résistent à de fortes contraintes de cisaillement. Ainsi, les thrombus artériels occlusifs sont formés d’un « cœur » fait de plaquettes liées les unes aux autres via leurs récepteurs GpIIb/IIIa, et d’une « coquille » faite de plaquettes liées via leurs récepteurs GpIb alpha. Cette dernière rend les thrombus résistants au tPA », conclut le chercheur. 

Déjà une piste thérapeutique

Ces observations ont immédiatement permis aux chercheurs de rebondir : en effet, des anticorps dirigés contre les protéines GpIb alpha sont justement en cours de développement clinique dans d’autres indications, en particuliers en cardiologie. Les chercheurs ont traité les souris avec ces inhibiteurs des récepteurs GpIb alpha et ont ainsi démontré qu’il était possible de rétablir la perméabilité artérielle et de diminuer l’étendue des lésions ischémiques de jusqu’à 70 %. « Cette nouvelle stratégie thérapeutique pourrait donc être rapidement envisagée chez l’homme », conclut Denis Vivien. 

Note

*unité 919 Inserm / Université de Caen Basse-Normandie, GIP Cyceron, Caen 

Source

A Le Behot et coll. GpIbα-VWF blockade restores vessel patency by dissolving platelet aggregates formed under very high shear rate in mice. Blood edition en ligne du 19 février 2014.