Nouveau facteur de virulence pour Pseudomonas aeruginosa

Responsable d’infections pulmonaires chez les personnes vulnérables, la bactérie Pseudomonas aeruginosa possède plusieurs cordes de virulence à son arc ! Une collaboration entre des équipes mixtes du CEA-iRTSV à Grenoble (CNRS/Inserm/CEA/Université Joseph Fourier)1 et des médecins du CHU de Grenoble2 vient en effet de permettre la découverte d’un nouveau système de virulence, s’ajoutant à celui déjà connu.

© Inserm, CEA, Huber, Philippe & Bouillot, Stéphanie Infection par Pseudomonas aeruginosa

Alors que le mécanisme de virulence de Pseudomonas aeruginosa semblait expliqué, une étude décrit un nouveau système redoutable, totalement indépendant du premier, découvert à partir d’une souche isolée au CHU de Grenoble. 

La bactérie Pseudomonas aeruginosa pose d’importants problèmes de santé : très opportuniste, elle provoque des infections pulmonaires aiguës ou chroniques, en particulier chez les personnes atteintes de mucoviscidose et dans les services de soins intensifs. Or elle est de plus en plus résistante aux antibiotiques disponibles. « Le pouvoir pathogène de la bactérie est principalement attribué à son système de sécrétion de type III (SST3), un système qui permet à plusieurs toxines de pénétrer dans les cellules de l’hôte et de provoquer une inflammation importante ainsi que des dégâts tissulaires », explique Sylvie Elsen, coauteur de cette étude. 

De précédents travaux ont effectivement montré que des souches dénuées de ce système ont une virulence atténuée. Pourtant, une souche récemment isolée au CHU de Grenoble (chez un patient mort d’une pneumonie hémorragique qui a aggravé une insuffisance respiratoire), s’est révélée très virulente alors qu’elle était dépourvue de SST3. Et cette souche déclenche également une pneumonie hémorragique quand elle est administrée chez des rongeurs. Une complication inconnue à ce jour avec cette bactérie. 

Une toxine redoutable

Adapté de Cell Host Microbe, 15(2), Elsen S, Huber P, Bouillot S, Couté Y, Fournier P, Dubois Y, Timsit JF, Maurin M, Attrée I, “A Type III Secretion Negative Clinical Strain of Pseudomonas aeruginosa Employs a Two-Partner Secreted Exolysin to Induce Hemorrhagic Pneumonia”. Pages 164–76, Copyright (2014), avec la permission d’Elsevier.

Les chercheurs ont donc étudié les gènes de cette souche appelée CLJ1, et comparé les protéines qu’elle produisait avec celles d’autres souches de Pseudomonas aeruginosa. C’est ainsi qu’ils ont découvert une nouvelle toxine baptisée exolysine A, capable de perméabiliser la membrane des cellules, de désorganiser leur structure interne (cytosquelette d’actine) et de provoquer leur rétractation. Les chercheurs ont également constaté que d’autres souches que CLJ1 possédaient les gènes nécessaires à la synthèse de cette toxine, bien qu’elles ne la produisent pas. 

« Il faut maintenant comprendre comment la production de cette toxine est régulée, identifier ses cibles et son effet exact sur les cellules de l’hôte. La tâche est vaste. En attendant, ces travaux tirent la sonnette d’alarme sur le fait que la virulence de Pseudomonas aeruginosa n’est pas uniquement liée au système SST3. Il faut tenir compte de ce nouveau système pour le développement de médicaments innovants », conclut la chercheuse. 

Notes

(1) Équipe Pathogénie bactérienne et réponses cellulaires (CNRS ERL 5261) du Laboratoire biologie du cancer et de l’infection (UMR-S1036 Inserm / CEA / Université Joseph Fourier-Grenoble I), et équipe Étude de la dynamique des protéomes (EDyP) du Laboratoire de biologie à grande échelle (UMR 1038 Inserm / CEA / Université Joseph Fourier-Grenoble I) 

(2) Service de Réanimation et Laboratoire de bactériologie-hygiène hospitalière, CHU de Grenoble 

Source

S. Elsen et coll. A Type III Secretion Negative Clinical Strain of Pseudomonas aeruginosa Employs a Two-Partner Secreted Exolysin to Induce Hemorrhagic Pneumonia. Cell Host Microbe, février 2014, vol 15(2), pp. 164–76