Nanoparticules au travail : un danger pour nos poumons ?

D’ici 2020, on estime que près de six millions de travailleurs seront exposés à des nanoparticules sur leur lieu de travail. Or une nouvelle étude révèle que l’exposition à des doses potentiellement rencontrées en milieu professionnel déclenche des signes d’inflammation et de fibrose pulmonaires...

La pollution de l’air extérieur n’est pas l’unique source de nanoparticules potentiellement nocives pour notre santé. Certains métiers exposent aussi les travailleurs à leur inhalation. Exemple ? Les soudeurs professionnels. En effet, durant une classique soudure à l’arc électrique, les nanoparticules peuvent représenter jusqu’à 80% des particules émises dans les fumées dégagées. 

« Il y a deux ans, nous avions découvert des nanoparticules d’oxydes métalliques dans les poumons de soudeurs professionnels », indique Sophie Lanone, chercheuse Inserm. Ces dernières avaient été retrouvées au niveau de zones montrant des signes d’inflammation et un épaississement délétère (fibrose) de leurs tissus constitutifs. Ces nanoparticules seraient-elles donc responsables des inflammations et fibroses pulmonaires parfois observées dans cette catégorie professionnelle ? Pour en savoir plus, Sophie Lanone et ses collègues* ont voulu observer l’effet de ce type d’expositions professionnelles sur les poumons de souris.

Des souris exposées à des doses professionnelles

Pour mimer au plus près la réalité, les chercheurs ont donc choisi quatre types de nanoparticules d’oxydes métalliques représentatives de celles retrouvées dans les poumons des soudeurs professionnels : Fe3O4 (magnétite), Fe2O3 (maghémite), MnFe2O4 (jacobsite) et CrOOH (grimaldite). Ils les ont déposées dans la trachée des souris, une fois par semaine durant trois mois. 

Certaines souris en recevaient 5 microgrammes, soit une concentration représentative de celle à laquelle est exposée un soudeur professionnel, et d’autres 50 microgrammes mimant la dose d’exposition potentielle des personnes travaillant dans des usines de fabrication de nanoparticules d’oxydes métalliques. Car ces dernières sont aussi de plus en plus produites intentionnellement en usines pour les multiples propriétés qu’elles peuvent conférer aux produits de consommation courante : propriétés antibactériennes pour les emballages alimentaires, effets anti-agglomérants pour les produits en poudre, anti-UV pour les crèmes solaires... 

Un effet « pro-fibrosant » et inflammatoire

Une fois les trois mois écoulés, l’équipe a observé de près les poumons des souris soumises à ce « régime ». Chez celles ayant reçu des doses répétées de 5 microgrammes de MnFe2O4 et CrOOH, le tissu pulmonaire entourant les bronchioles était presque deux fois plus épais que chez les rongeurs témoins... Chez les souris soumises à des doses répétées de 50 microgrammes, la situation était encore plus alarmante. En effet, hormis le Fe2O3, les trois autres nanoparticules ont généré un épaississement quatre fois plus élevé que chez les souris témoins touchant aussi les tissus entourant vaisseaux sanguins et alvéoles pulmonaires... le tout avec une inflammation du tissu de soutien situé entre les parois des alvéoles. 

« Pour la première fois, notre étude démontre que l’exposition répétée aux nanoparticules à des doses rencontrées en milieu professionnel sont potentiellement dangereuses pour les poumons », résume Sophie Lanone. Son équipe mène désormais des recherches pour élucider les mécanismes sous-jacents. En attendant, cette nouvelle étude milite pour la mise en place rapide de valeurs limites d’exposition réglementaires dédiées aux nanoparticules en milieu professionnel. 

Note

* unité Inserm 955 (Créteil), Laboratoire de Physique des Solides (Orsay), UMR-S1124 (Paris), Universités Paris Descartes et Paris Est Créteil, Laboratoire de Chimie de la Matière Condensée de Paris, CHU Henri Mondor et Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil. 

Source

M. Présumé et coll. Exposure to metal oxide nanoparticles administered at occupationally relevant doses induces pulmonary effects in mice. Nanotoxicology. DOI:10.1080/17435390.2016.1242797, 2016.