Myopathie myotubulaire : une nouvelle thérapie en développement

Rien n’est gagné, mais des chercheurs proposent une approche thérapeutique très prometteuse contre la myopathie myotubulaire, se fondant sur l’utilisation d’ARN anti-sens. Rare mais gravissime, cette maladie peut entraîner le décès des enfants atteints dès la naissance, par détresse respiratoire.

Une nouvelle approche thérapeutique pour lutter contre la myopathie myotubulaire (aussi appelée myopathie centronucléaire liée à l’X) pourrait être testée chez l’homme d’ici 2 ans. Développée par Jocelyn Laporte et son équipe*, cette stratégie se fonde sur l’utilisation de petites molécules synthétiques qui vont diminuer l’expression de DNM2, une protéine dont la surexpression est associée à la maladie. 

La myopathie myotubulaire est l’une des formes les plus sévères de myopathie héréditaire. Elle entraine en effet une telle faiblesse musculaire que les muscles respiratoires ne peuvent pas fonctionner : en l’absence d’assistance respiratoire, les enfants atteints décèdent précocement. 

La maladie est due à une mutation affectant le gène MTM1, impliqué dans la construction des fibres musculaires. Ce gène est situé sur le chromosome X, de sorte que les garçons sont les principaux atteints, à raison d’environ un cas sur 50 000 naissances. Lors de précédents travaux, l’équipe de Jocelyn Laporte avait montré que cette mutation était curieusement associée à la surexpression du gène DNM2, un gène impliqué dans l’organisation des membranes cellulaires. Si le lien reste inexpliqué à ce jour, les chercheurs ont constaté que, chez la souris, réduire la quantité de protéine DNM2 par des croisements génétiques diminue les symptômes de la maladie. Les animaux ainsi obtenus peuvent vivre deux ans, contre deux mois auparavant. Dès lors, DNM2 est devenue une cible thérapeutique. 

Coupes transversales de muscles © Jocelyn Laporte
Coupes transversales de muscles. A gauche les fibres musculaires normales, au milieu celles d’une souris malade (fibres plus petites) et à droite celles d’une souris malade traitée avec des ARN anti-sens (OAs) ciblant la Dnm2 (diamètre des fibres normal). © J.Laporte

Un traitement à base d’ARN anti-sens

Pour tenter de réduire son niveau chez les animaux malades autrement que par croisement, les chercheurs ont construit des oligonucléotides anti-sens. Il s’agit de fragments synthétiques d’ARN pouvant se lier très spécifiquement aux ARN messagers de DNM2, empêchant ainsi leur traduction en protéines. Injectés avant la survenue des symptômes aux souris myopathes présentant la mutation MTM1, il est apparu que ces molécules permettent de bloquer l’apparition de la maladie. Elles sont également efficaces chez les animaux déjà malades depuis au moins trois semaines. « Le moment de l’initiation du traitement est néanmoins très important : certaines souris trop sévèrement atteintes n’ont pu être sauvées, probablement en raison d’une administration trop tardive », précise Jocelyn Laporte. Les résultats de cette étude suggèrent par ailleurs que le niveau de DNM2 doit seulement être ramené à la normale, et non pas fortement diminué. « Cela devrait à priori éviter les effets indésirables associés à une carence trop importante en DNM2, compte tenu de ses fonctions dans l’organisme « , clarifie le chercheur. 

Si ces travaux apportent la preuve de l’efficacité du procédé chez la souris, ils doivent être poursuivis pour évaluer sa sécurité du dispositif : les effets de la présence de ces ARN anti-sens au cœur des cellules, l’impact de la diminution soudaine de DNM2, ou encore le risque d’effet hors-cible qui entrainerait la diminution inattendue d’autres protéines doivent être testés. 

En parallèle, la start-up Dynacure a été créée pour développer un oligonucléotide anti-sens spécifique de l’ARN du gène humain DNM2. Si tout se passe bien, un essai clinique pourrait démarrer en 2019. « Cette approche originale a ses avantages et ses inconvénients, clarifie Jocelyn Laporte. Alors que des essais de thérapie génique sont en préparation pour restaurer la production de MTM1, l’approche oligonucléotides anti-sens ne nécessite pas l’utilisation d’un vecteur viral pouvant déclencher une réaction immunitaire et un rejet du traitement. En outre elle agit sur une protéine déjà connue de l’organisme. Enfin, les doses d’ARN anti-sens peuvent être augmentées ou diminuées selon les besoins. Par contre, il s’agit d’un traitement à vie », conclut-il. 

Note

* unité 964 Inserm/CNRS/Université de Strasbourg, Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire, Illkirch 

Source

H. Tasfaout et coll. Antisense oligonucleotide-mediated Dnm2 knockdown prevents and reverts myotubular myopathy in mice. Nature Communications, édition en ligne du 7 juin 2017