Mycobactéries : mise en évidence d’un acteur clé de notre système de défense

Un nouveau gène impliqué dans la réponse immunitaire aux infections par les mycobactéries a été identifié par une équipe Inserm de l’institut Imagine à Paris. Il code pour la protéine IRF1, un partenaire de l’interféron γ qui joue un rôle majeur dans le système de défense contre ces agents infectieux.

Le laboratoire Inserm de Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel, à l’institut Imagine à Paris, s’est spécialisé dans l’étude des facteurs génétiques associés aux maladies infectieuses. Au sein de cette équipe, le groupe de Jacinta Bustamante s’intéresse plus particulièrement à la sensibilité individuelle aux mycobactéries, la famille à laquelle appartient Mycobacterium tuberculosis, responsable de tuberculose. Cette infection a entraîné le décès de près d’1,5 million de personnes dans le monde en 2020, plaçant la maladie au 2e rang des causes infectieuses de mortalité cette année-là, derrière la Covid-19…

Une vingtaine de gènes impliqués dans la vulnérabilité aux infections à mycobactéries a déjà été identifiée au sein du laboratoire. Tous ont un lien avec l’interféron γ, qu’il soit en rapport avec sa production ou ses interactions avec d’autres molécules. De sorte qu’il est considéré comme une pièce maîtresse de l’immunité contre ces agents infectieux particuliers. Mais les mutations retrouvées dans ces vingt gènes n’expliquent que la moitié des cas d’infections sévères aux mycobactéries. Pour aller plus loin, Jacinta Bustamante et son groupe de recherche ont constitué une cohorte internationale qui compte actuellement 1 500 patients présentant des infections disséminées à mycobactéries. « Habituellement, ces agents pathogènes restent confinés dans un organe, par exemple les poumons dans le cas de la tuberculose, mais en l’absence de contrôle de l’infection, la bactérie peut envahir d’autres organes, d’où le terme disséminé », explique la chercheuse.

Le rôle des macrophages

Au sein de cette cohorte, deux jeunes patientes de 7- 8 ans sans aucun lien de parenté − l’une turque, l’autre argentine − ont été choisies car elles présentaient une même maladie. Suite à leur vaccination avec le BCG, les deux fillettes ont développé une infection disséminée qui impliquait la souche atténuée de Mycobacterium bovis utilisée dans ce vaccin conçu pour protéger contre la tuberculose. Par ailleurs, elles ont été contaminées à plusieurs reprises par Mycobacterium avium, une autre mycobactérie qui a entraîné des maladies des ganglions lymphatiques chez les deux fillettes. L’équipe a étudié leur génome à la recherche de particularités génétiques.

Ce travail a abouti à la découverte de deux mutations sur le gène codant pour IRF1. « C’est la première fois que nous mettons en évidence des anomalies sur ce gène dans des maladies à mycobactéries », insiste Jérémie Rosain, premier auteur de ces travaux. L’équipe a étudié les conséquences fonctionnelles de ces mutations ex vivo, en exposant les différents types de cellules du système immunitaire à des mycobactéries. « Nous constatons que dans tous les types cellulaires, l’inactivité de IRF1 entraine des dérèglements de l’expression de certains gènes et réduit la production d’interféron γ par un mécanisme de rétrocontrôle. Mais c’est dans les macrophages que les conséquences sont particulièrement importantes. En effet, c’est là que les mycobactéries se nichent et se reproduisent, précise-t-il. Lorsque le gène codant pour IRF1 est muté, l’infection n’y est absolument pas contrôlée et les bactéries se multiplient de façon importante. Les voies de signalisation qui permettent habituellement de neutraliser l’agent infectieux ne sont tout simplement pas activées. » En revanche, l’immunité antivirale n’est pas affectée.

Des applications cliniques

Outre l’amélioration des connaissances sur les maladies à mycobactéries, ce travail marque une avancée diagnostique et thérapeutique. « En administrant de fortes doses d’interféron γ en plus de l’antibiothérapie, nous compensons partiellement l’absence d’IRF1 fonctionnelle et espérons améliorer légèrement le contrôle de l’infection chez une des deux fillettes, pour qui les antibiotiques seuls ne suffisent pas, explique Jacinta Bustamante. Cette découverte encourage aussi à rechercher des mutations de ce gène chez d’autres personnes atteintes de tuberculose pour éventuellement leur administrer ce même traitement. » Toutefois, à ce jour, de telles mutations n’ont pas été retrouvées chez d’autres patients de la cohorte étudiée.


Jacinta Bustamante et Jérémie Rosain travaillent dans l’équipe Génétique humaine des maladies infectieuses : prédisposition mendélienne dirigée par Jean-Laurent Casanova, à l’institut Imagine à Paris (unité 1163 Inserm/université Paris-Cité ; Centre d’études de déficits immunitaires, Hôpital Necker Enfants-Malades, AP-HP).


Source : J. Rosain et coll. Human IRF1 governs macrophagic IFN‑γ immunity to mycobacteria. Cell, édition du 2 février 2023 ; doi : 10.1016/j.cell.2022.12.038

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Bactérie Mycobacterium tuberculosis © NIAID
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