Muscles : un facteur clé de leur formation identifié

En travaillant sur une maladie génétique rare, une équipe Inserm de l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires, à Toulouse, a découvert une molécule clé pour la formation et la réparation des muscles squelettiques. Elle permet en effet la fusion des cellules souches musculaires entre elles, un mécanisme fondamental qui précède l’assemblage des fibres musculaires. 

La formation des muscles au cours du développement embryonnaire, comme leur réparation après un traumatisme, passe par la fusion de cellules souches musculaires appelées myoblastes. Ce phénomène permet la création de cellules allongées pourvues de plusieurs noyaux, les myotubes, qui se différencient ensuite en fibres musculaires. Toutefois, les facteurs qui orchestrent les fusions de myoblastes ne sont encore que partiellement connus. À l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires à Toulouse, une équipe Inserm vient d’en découvrir un qui joue un rôle majeur, alors qu’elle étudiait une maladie rare. La spécialité de cette équipe ? Les phosphoinositides. Ce nom barbare est celui d’une classe de lipides qui intervient de manière décisive dans diverses fonctions cellulaires. L’équipe toulousaine s’efforce d’en décrire les activités, et s’intéresse en particulier au plus récemment découvert de ces lipides, le phosphatidylinositol 5‑phosphate (PI5P). Ce phosphoinositide est produit dans l’organisme à partir d’une enzyme appelée MTM1. Aussi, pour en étudier la fonction, l’équipe s’est tournée vers un modèle de maladie rare : la myopathie myotubulaire liée à l’X, caractérisée par l’absence de MTM1 dans les cellules musculaires. Les chercheurs ont développé un modèle in vitro de myoblastes murins dépourvus en MTM1 afin de mimer la pathologie et d’y découvrir le rôle du PI5P. 

Une transformation rapide

D’emblée, les scientifiques ont constaté un certain nombre d’anomalies dans le « comportement » de ces cellules, par rapport à celui de myoblastes qui synthétisent MTM1 : les myotubes tardent à se former, sont plus courts, moins nombreux et désorganisés avec des noyaux non alignés et anormalement placés. Autrement dit, la fusion des myoblastes devient anormale en l’absence de MTM1. L’équipe toulousaine a ensuite dosé le PI5P dans ces différentes cellules, mutées ou non. Comme prévu, l’absence de MTM1 était associée à un déficit de PI5P. Mais curieusement, dans les cellules non mutées, les chercheurs n’ont pas retrouvé la quantité de PI5P attendue. Il s’avère que le PI5P produit par MTM1 est rapidement transformé en un autre phosphoinositides, le PI(4,5)P2. En le marquant pour pouvoir le localiser à l’intérieur des cellules grâce à des techniques d’imagerie, les chercheurs ont observé qu’il s’accumulait dans les membranes des myoblastes, en particulier au niveau des sites de fusion de ces cellules entre elles. À l’issue de plusieurs autres expériences, le PI(4,5)P2 s’est révélé fondamental pour assurer une fusion correcte. « Ce travail qui portait initialement sur la fonction du PI5P nous a permis de mettre en évidence le rôle clé de la molécule PI(4,5)P2 dans la fusion des myoblastes. Elle régule ce processus de manière spatio-temporelle, résume Julien Viaud, responsable du projet. À l’avenir, notre modèle cellulaire pourra servir à tester l’effet de composés susceptibles de restaurer un comportement normal des cellules musculaires ». En attendant, le travail de l’équipe se poursuit avec d’autres modèles cellulaires, pour découvrir d’autres fonctions du PI5P.


Julien Viaud est chargé de recherche Inserm dans l’équipe Lipidomique et signalisation dans la production des plaquettes, la thrombose et l’homéostasie cellulaire à l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC, unité 1297 Inserm/Université Toulouse III – Paul Sabatier), à Toulouse.


M. Mansat et coll. MTM1-mediated production of phosphatidylinositol 5‑phosphate fuels the formation of podosome-like protrusions regulating myoblast fusion. Proc Natl Acad Sci, 28 mai 2024 ; doi :10.1073/pnas.2217971121

Autrice : A. R.

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