Les multiples facettes du récepteur aux œstrogènes

Après avoir mis en évidence l’existence d’un double mécanisme d’action des œstrogènes, dépendant de la localisation de leur récepteur sur les cellules, une équipe Inserm cherche maintenant à définir toutes les fonctions physiologiques de cette hormone.

Coup double pour les estrogènes : pour assurer leurs fonctions dans l’organisme, ils peuvent non seulement induire l’expression de gènes spécifiques dans le noyau de cellules cibles, mais également déclencher des cascades de signalisation en dehors du noyau cellulaire. Tout dépend de la localisation des récepteurs sur lesquels ils se fixent. Des chercheurs de l’Inserm viennent en outre de montrer que ces deux mécanismes sont associés à des fonctions physiologiques distinctes. 

Une double action suspectée

Jusque-là, les œstrogènes étaient essentiellement considérés comme des facteurs de transcription agissant dans les noyaux des cellules : on pensait que leur mode d’action reposait surtout sur l’activation de gènes spécifiques, une activation déclenchée par leur fixation sur des récepteurs présents dans la cellule. On attribuait à ce mécanisme la plupart des effets de cette hormone, en particulier ces effets sur la reproduction, mais aussi sur les vaisseaux ou l’os.

Cependant, des travaux menés sur différents types de cellules en culture suggéraient depuis quelques temps l’existence d’effets des œstrogènes indépendants de ce mécanisme. « Ces études ont montré que les œstrogènes peuvent induire des effets rapides au niveau de la membrane des cellules, favorisant par exemple la dilatation des vaisseaux ou encore la migration de cellules en culture. Nous avons alors cherché à connaître le rôle physiologique de ces signaux extranucléaires », explique Jean-François Arnal*, coauteur des travaux. 

Des effets physiologiques distincts

Dans ce but, les chercheurs ont mis au point un modèle de souris chez lequel les récepteurs aux œstrogènes sont absents de la membrane externe des cellules, mais restent présents au niveau du noyau. Chez ces animaux, il est apparu que les femelles sont stériles et présentent des ovaires anormaux présentant de multiples kystes. De plus, les artères des animaux sont insensibles à l’effet des œstrogènes. En revanche, l’effet de l’hormone sur l’utérus reste strictement normal. « Ces travaux montrent pour la première fois que le récepteur aux œstrogènes peut aussi avoir d’importantes fonctions extranucléaires, et que l’organisme utilise ce récepteur de manière très variée, en fonction des tissus et des circonstances. Les localisations nucléaires et membranaires du récepteur aux estrogènes sont associées à des fonctions physiologiques spécifiques : les effets vasculaires sont entièrement dépendants des signaux membranaires de l’hormone alors que ceux sur l’utérus sont dépendants de son action nucléaire, et donc de l’activation de l’expression de gènes spécifiques », constate le chercheur. 

Des applications cliniques très probables

L’équipe tente maintenant de préciser la nature des différentes fonctions physiologiques régulées par les œstrogènes en fonction de la localisation de leurs récepteurs. Les chercheurs espèrent, à terme, pouvoir découpler ces actions distinctes. « Nous savons par exemple que l’effet prolifératif des œstrogènes favorise le développement des cancers du sein. En déterminant les rôles respectifs des récepteurs nucléaires et membranaires dans ce tissu, nous pourrons moduler plus finement l’activité de ces récepteurs, pour induire les effets bénéfiques des œstrogènes sans pâtir de leurs effets néfastes », conclut le chercheur. 

Note
*Unité Inserm 1048, Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC), Toulouse 

Source
M. Adlanmerini et coll. Mutation of the palmitoylation site of estrogen receptor α in vivo reveals tissue-specific roles for membrane versus nuclear actions. Proc Natl Acad Sci USA, édition en ligne du 26 décembre 2013