Mucoviscidose : le mécanisme de la trithérapie élucidé

Depuis 2019, une trithérapie est disponible aux États-Unis pour traiter la mucoviscidose. Ses résultats sont spectaculaires, mais son mécanisme d’action précis restait jusque-là inconnu. Des travaux de l’Inserm viennent de lever le voile sur ce fonctionnement.

Un article à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°55

« Certains traitements fonctionnent bien, mais on ne sait pas exactement comment. » Cette constatation, énoncée par Stefano Marullo, directeur de recherche Inserm à l’institut Cochin à Paris, illustre parfaitement le cas de la trithérapie contre la mucoviscidose (Kaftrio®). Déployé depuis 2019 aux États-Unis, et désormais accessible à partir de l’âge de 6 ans en France, ce médicament est très efficace. « Les travaux que nous avons réalisés expliquent pourquoi deux des trois composés de ce cocktail pharmaceutique sont bénéfiques pour les patients », se réjouit le chercheur.

La mucoviscidose est due, dans une grande majorité des cas, à une mutation qui affecte le gène CFTR. En raison de cette anomalie, la protéine produite à partir de ce gène ne peut parvenir à sa destination finale normale : la surface des cellules. Elle reste coincée à l’intérieur, dans un compartiment appelé réticulum endoplasmique. La protéine ne peut donc pas jouer son rôle physiologique et il en résulte des dysfonctionnements responsables des symptômes de la maladie (difficultés respiratoires, augmentation du risque d’infection et atteintes des fonctions digestives).

Un transfert en surface dose-dépendant

« Notre laboratoire cherche à comprendre comment les protéines présentes à la surface de nos cellules sont régulées. C’est ainsi que nous avons été amenés à travailler sur CFTR », rapporte Stefano Marullo. Au niveau du réticulum endoplasmique, une autre protéine, PRAF2, joue un rôle important dans la rétention de la protéine CFTR : la première se lie à la seconde juste avant leur transfert vers la surface cellulaire. « Néanmoins, nous avons montré que PRAF2 interagit de façon identique avec la protéine CFTR, qu’elle soit mutée ou non », précise le chercheur. C’est donc que le problème de transfert se situe en amont. « Ce transfert est dose-dépendant », continue-t-il. Il faut une quantité suffisante de CFTR accumulée au niveau des sites de sortie du réticulum pour le déclencher. « Nous avons montré que la version mutée de CFTR s’y accumule en moins grande quantité, parce qu’elle est préalablement reconnue comme anormale par l’organisme, qui tente de s’en débarrasser. »

Forts de ces découvertes, les chercheurs ont voulu savoir si elles avaient un lien avec le fonctionnement de la trithérapie qui révolutionne depuis quelques années le pronostic des enfants atteints de mucoviscidose. « Ces traitements sont développés en criblant des molécules : on en teste des milliers et on retient celles qui ont un effet fonctionnel bénéfique, sans forcément connaître le mécanisme exact mis en jeu. Nous avons donc eu l’idée de vérifier si les composés de ce médicament interagissaient avec PRAF2. » Bingo ! Il existe bien un lien : un des composés de la trithérapie (tezacaftor) stabilise la version mutée de CFTR. Elle a ainsi moins tendance à être éliminée par l’organisme et se présente en plus grande quantité aux sites de sortie, où elle se lie à PRAF2. Un deuxième composé (élexacaftor) inhibe la liaison entre CFTR et PRAF2, ce qui diminue la rétention de CFTR dans le réticulum et augmente la dose transférée vers la surface de la cellule.

Ces résultats pourraient en outre servir à améliorer la compréhension d’autres pathologies également dues à un problème de transfert de protéine vers la surface des cellules, comme le diabète insipide ou l’hypercalcémie hypocalciurique familiale. « Nous allons pouvoir étudier le rôle de PRAF2 dans ces pathologies », envisage Stefano Marullo.


Stefano Marullo est responsable de l’équipe Signalisation des récepteurs et échafaudages moléculaires à l’Institut Cochin (unité 1016 Inserm/CNRS/Université de Paris), à Paris.


Source : K. Saha et coll. Pharmacological chaperone-rescued cystic fibrosis CFTR-F508del mutant overcomes PRAF2-gated access to endoplasmic reticulum exit sites. Cell Mol Life Sci., 27 septembre 2022, doi : 10.1007/s00018-022–04554‑1

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