Le mimétisme nécessaire à l’apprentissage

Les macaques ont besoin d’observer un acteur qui agit comme eux, qu’il soit singe ou humain, pour apprendre une tâche. Il semble s’agir d’une condition absolue au transfert de connaissances. Cette conclusion, issue de travaux menés par des chercheurs de l’Inserm et destinés à connaître les facteurs favorables à l’apprentissage, pourrait permettre d’améliorer la façon d’enseigner à l’école.

Pour apprendre d’autrui, il faut se reconnaître dans l’autre et lui ressembler. C’est ce que montrent des chercheurs de l’Inserm qui étudient les mécanismes cérébraux et comportementaux de l’apprentissage social. Ils tentent notamment d’identifier les facteurs qui y sont favorables ou qui, au contraire, perturbent l’acquisition des connaissances. 

Pour comprendre les caractéristiques du modèle dont les macaques ont besoin pour apprendre efficacement, les chercheurs ont présenté à plusieurs d’entre eux le même exercice, répété trois fois de suite de façon différente. Cet exercice consistait à manipuler des objets exposés par paires, le but étant de déplacer l’un des objets pour trouver celui qui cache une friandise. La première fois, c’est un macaque déjà entrainé à cette tâche qui s’est exécuté. L’expérience a ensuite été répétée deux autres fois par un être humain. Celui-ci a d’abord réalisé l’exercice sans toucher à la récompense en cas de succès. Puis il a recommencé, cette fois en mangeant la gourmandise découverte, comme l’avait fait le macaque lors de la première démonstration. Après chaque série, les auteurs ont vérifié l’état des connaissances des singes observateurs : s’ils avaient compris l’exercice et s’ils retrouvaient les objets récompensés. 

Voir l’autre se tromper est bénéfique

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Les résultats obtenus montrent que les singes apprennent parfaitement l’exercice à condition qu’il soit présenté par un opérateur qui agit comme eux, c’est à dire qui mange la récompense quand elle se présente, qu’il s’agisse d’un homme ou d’un singe. Les macaques n’ont rien appris de l’homme qui montre juste si la friandise est là, sans y toucher. « Cette étude prouve qu’une similarité est nécessaire entre l’opérateur et l’observateur pour apprendre de l’autre. Il s’agit même d’une condition sine qua non pour un transfert de connaissances », explique Elisabetta Monfardini*, co-auteur des travaux. Par ailleurs, les auteurs ont constaté que les macaques apprennent mieux quand les opérateurs choisissent l’objet non récompensé, confirmant les vertus de l’apprentissage « par l’erreur ». « Le fait d’observer une personne se tromper permet de mieux apprendre la tâche. Nous avions déjà mis en évidence ce phénomène au cours de précédents travaux, mais cette étude le confirme et montre que les erreurs peuvent renforcer l’effet de similarité. Le modèle est encore meilleur quand il se trompe ! », clarifie Elisabetta Monfardini. 

Cette forme de mimétisme entre l’opérateur et l’observateur, nécessaire pour apprendre, est riche d’enseignement : « A l’école, quand une maitresse appelle au tableau celui qui sait bien faire l’exercice pour montrer l’exemple, elle pourrait avoir tort. Peut-être que choisir un enfant qui fait des erreurs, à qui les moins doués s’identifient, permettrait de mieux stimuler l’acquisition de leurs connaissances ! », illustre la chercheuse. Ces travaux permettent en effet de mieux cerner les facteurs influençant positivement l’apprentissage, dans le but d’une application pour des populations cibles, en particulier les enfants dans le contexte scolaire. 

Note

*unité 1028 Inserm/CNRS/ Université Claude Bernard Lyon 1, Centre de recherche en neurosciences de Lyon, Bron 

Source

E. Monfardini et coll. Model-Observer Similarity, Error Modeling and Social Learning in Rhesus Macaques. PLoS ONE du 24 février 2014, vol. 9(2): e89825. doi:10.1371/journal.pone.0089825