MICI : Une seule protéine vous manque et tout est dérégulé

La rectocolite hémorragique se traduit par une inflammation récurrente du rectum et du côlon. Des erreurs dans le métabolisme de l’ARN sont corrélées à la gravité de la maladie. Un mécanisme impliquant la protéine HP1 semble jouer un rôle important.

Un article à retrouver dans le n°56 du magazine de l’Inserm

Est-on passé à côté d’un facteur primordial au sujet de la rectocolite hémorragique ? Cette maladie, de la famille des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), se caractérise par une inflammation du rectum et du côlon. Mais un autre mécanisme, outre l’inflammation, semble jouer un rôle prépondérant, a découvert l’équipe de Laurence Arbibe, à l’institut Necker-Enfants malades à Paris. Au centre de cette découverte, une protéine – HP1 – bien connue de Laurence Arbibe. « Je m’y suis intéressée dans les années 2010, lorsque je travaillais à l’institut Pasteur sur les relations hôte-pathogène dans l’intestin, retrace-t-elle. Nous avions montré que des bactéries pathogènes étaient capables d’injecter des protéines se localisant dans le noyau des cellules de l’intestin pour prendre le contrôle des gènes de l’inflammation. La protéine HP1 était impliquée dans le processus anti-inflammatoire, en réponse à cette attaque. » Aujourd’hui, elle est à nouveau dans la lumière : « Dans un modèle murin qui ne synthétise pas HP1, nous observons une inflammation colique et une altération du microbiote intestinal, comme chez les patients MICI. »

HP1, garante d’un épissage correct

L’analyse des tissus de 206 enfants atteints par la maladie a d’abord permis de découvrir le rôle précis de cette protéine HP1. En étudiant l’ensemble des brins d’ARN qui servent à la synthèse des protéines (le transcriptome), les scientifiques se sont rendu compte que certains n’étaient pas présents chez les sujets non malades. « Non seulement HP1 réprime l’inflammation de l’intestin, mais elle contrôle également l’épissage, c’est-à-dire l’étape de sélection des morceaux d’ARN en vue de la synthèse des protéines », résume la chercheuse. En d’autres termes, lorsque HP1 est absente, cette étape d’épissage ne se déroule pas normalement. En conséquence, certaines protéines ne sont pas fabriquées, tandis que d’autres le sont alors qu’elles n’auraient pas dû. « Et plus il y a d’erreurs lors de cette étape, plus la forme de la maladie est sévère », a constaté Laurence Arbibe.

Pour aller plus loin et savoir comment HP1 sécurise l’épissage, les auteurs des travaux ont réalisé une analyse protéomique, qui permet d’identifier avec quelles protéines HP1 interagit principalement. « Ses partenaires privilégiés sont des molécules qui reconnaissent et surtout sélectionnent les sites d’épissage pour éviter un découpage aberrant de l’ARN », décrit la scientifique. Ces erreurs de découpage entraînent des conséquences dramatiques, comme l’ont découvert les chercheurs. Une des protéines non synthétisées est indispensable au bon fonctionnement des jonctions adhérentes, lesquelles assurent normalement l’imperméabilité entre les cellules de l’épithélium. En l’absence de cette protéine, bactéries et autres pathogènes peuvent se faufiler vers la circulation sanguine. Autre erreur fréquente : une protéine toxique, la progérine, est indûment synthétisée. Or, elle est connue pour provoquer un vieillissement accéléré des cellules. Ce lien entre HP1 et la progérine va inciter les chercheurs à vérifier si le vieillissement des tissus est en partie dû à des erreurs d’épissage. En parallèle, forts de cette découverte, ils vont aussi tenter de mettre au point des outils thérapeutiques permettant de réguler cet épissage.


Laurence Arbibe est responsable de l’équipe Plasticité du génome et infections à l’Institut Necker – Enfants malades (unité 1151 Inserm/CNRS/Université Paris Cité), Paris.


Mata-Garrido et al. The Heterochromatin protein 1 is a regulator in RNA splicing precision deficient in ulcerative colitis. Nat Commun., 18 novembre 2022 ; doi : 10.1038/s41467-022–34556‑3

Auteur : B. S.

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