La mentalisation fait appel à un réseau neuronal complexe

Inutile de chercher une région cérébrale associée à la mentalisation : cette fonction qui permet d’éprouver de l’empathie pour un autre résulterait, comme bien d’autres processus cognitifs, de la synchronisation de nombreux réseaux neuronaux interconnectés.

Le cerveau semble toujours plus complexe que la complexité qu’on lui attribue ! A en croire les travaux d’une équipe de l’Inserm, la mentalisation n’est pas contrôlée par une région particulière du cerveau comme cela était suggéré par de précédents travaux, mais par des réseaux de neurones diffus et connectés entre eux. La mentalisation est une fonction extrêmement importante sur le plan social, qui permet de percevoir et d’interpréter les pensées et le comportement d’autrui. Chacun peut ainsi se mettre à la place de la personne qu’il a en face de lui et ressentir ses émotions ou tenter de prévoir ses réactions. 

Une fonction, des régions

Les progrès de l’imagerie cérébrale permettent d’observer des zones du cerveau s’activer quand une personne effectue une tâche. Cela a incité les scientifiques à rechercher des associations et à affecter des zones spécifiques du cerveau à certaines fonctions. Néanmoins, depuis les années 80, plusieurs travaux ont montré que ce concept est souvent dépassé. Le Pr Hugues Duffau*, neurochirurgien et coauteur de ces travaux, le confirme grâce à la chirurgie éveillée. 

Cette technique consiste à garder éveillés les patients que l’on opère dans l’objectif de leur retirer une tumeur cérébrale. Elle permet au neurochirurgien d’évaluer en direct l’impact de ses gestes sur les fonctions du patient, évitant ainsi la suppression de régions cruciales du cerveau. Cette approche a déjà permis à Hugues Duffau de battre en brèche l’affectation de l’aire de Broca au langage. En renouvelant l’expérience chez des patients porteurs de tumeurs qui envahissent le cortex frontal, le chercheur a pu tester l’implication de cette zone dans le processus de mentalisation. 

De nombreux réseaux interconnectés

Avant et après l’opération, les patients ont réalisé des tests permettant d’évaluer leur niveau de mentalisation. « Les résultats montrent qu’ils n’ont aucune séquelle après l’ablation du cortex frontal droit. Ils ont tous conservé d’excellentes capacités de cognition sociale, aussi développées qu’avant l’intervention. Ces résultats montrent que cette région, bien qu’elle soit activée en cas de mentalisation, n’est pas indispensable à cette fonction. Son action peut tout à fait être compensée par d’autres neurones, ailleurs dans le cerveau », explique le chercheur. Pour lui, cette fonction cérébrale serait en fait contrôlée par plusieurs réseaux répartis dans différentes aires, pouvant se compenser les uns les autres. « Il en résulte une formidable plasticité, précieuse pour les neurochirurgiens, qui semble sous-tendre de nombreuses fonctions cognitives et émotionnelles. Cela signifie que des zones importantes du cerveau peuvent à priori être enlevées sans affecter le fonctionnement cérébral », conclut-il.

Note

*Unité 1051 Inserm/CNRS/Université de Montpellier 2, Institut de Neuroscience de Montpellier, Hôpital Saint Eloi, Montpellier 

Source

G. Herbert et coll. Is the right frontal cortex really crucial in the mentalizing network ? A longitudinal study in patients with a slowgrowing lesion. Cortex, édition en ligne du 14 août 2013